300.000 euros par habitant pour le fonds souverain mais une productivité qui stagne: le pétrole a rendu la Norvège trop riche selon un livre que les Norvégiens s'arrachent

Le drapeau norvégien (photo d'illustration). - Pixabay
La Norvège est-elle devenue trop riche? Dans le prospère pays scandinave, le succès d'un livre controversé secoue les débats politiques locaux, au moment où les Norvégiens votent pour des élections législatives très disputées.
Dans son ouvrage Le pays devenu trop riche, l'économiste norvégien Martin Bech Holte soutient que la dépendance de la Norvège à l'égard de sa richesse pétrolière et de son énorme fonds souverain a poussé le pays nordique dans un excès de confiance et une faible productivité, rapporte The Financial Times. Publié en janvier dernier, le livre s'est depuis écoulé à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires en Norvège, au niveau de certains romans à succès, faisant de lui un véritable objet de débat public.
Alimenté par les énormes revenus énergétiques de la Norvège, le fonds souverain norvégien est le plus important fonds souverain au monde. Détenant des parts dans quelques 8.500 entreprises sur la planète, ce dernier pèse plus de 20.000 milliards de couronnes norvégiennes (un peu plus de 1.700 milliards d'euros) à l'heure actuelle. Avec une population d'environ 5,6 millions d'habitants en Norvège, cela représente aujourd'hui plus de 300.000 euros par habitant.
Dans son livre, l'ex-directeur du bureau d'Oslo du cabinet de conseil McKinsey énumère des exemples d'importantes dépenses publiques malavisées, voire inutiles selon son point de vue, telles qu'un projet de métro reliant la capitale norvégienne à une péninsule voisine, dont le coût est six plus élevé que prévu, ou des allégements fiscaux accordés à des projets éoliens off-shore ou de champs pétroliers, sans lesquels ces derniers n'auraient pas été rentables, rapporte Bloomberg.
Stagnation de la productivité
La Norvège est, en parallèle, confrontée à une sérieuse stagnation de la productivité depuis deux décennies, notamment dans les secteur industriels et technologiques, ainsi qu'à une inertie de l'innovation au sein des entreprises, souligne le quotidien financier américain. Par ailleurs, le pays scandinave affiche un niveau de dépenses dans le système éducatif parmi les plus élevés des pays de l'OCDE, alors que les résultats des élèves norvégiens se sont dégradés ces dernières années.
S'il est controversé, des économistes et chercheurs ayant déploré des inexactitudes ou des exagérations de la part de Martin Bech Holte, ce best-seller a secoué le débat politique, alors que les électeurs norvégiens sont appelés aux urnes ce lundi 8 septembre pour des élections législatives cruciales.
"Nous sommes un pays qui dépense d'énormes sommes d'argent, avec l'un des niveaux d'imposition les plus élevés de l'OCDE. Néanmoins, les Norvégiens ne bénéficient pas de meilleurs services qu'au Danemark, en Suède ou en Finlande", a affirmé Sylvi Listhaug, figure de proue du Parti du Progrès (FrP), formation populiste en passe de devenir la première force d'opposition, rapporte The Financial Times.
Jens Stoltenberg, ex-Premier ministre et ex-chef de l'Otan redevenu ministre des Finances au sein de l'actuel gouvernement de coalition à Oslo, a estimé que la stagnation de la productivité constituait "une réelle préoccupation". "Il y a toujours un risque que nous devenions complaisants et que nous croyions que le fonds souverain nous sauvera", ce qui "n'est pas le cas", a-t-il assuré.