Les États-Unis, valeur refuge en 2024

Les États-Unis, valeur refuge en 2024 - Monocle
Vers des crises plus violentes ?
Aujourd’hui, le but est de protéger le patrimoine de l’inflation et ne pas se perdre, à savoir d’éviter les accidents. Dans la mémoire des investisseurs, je me demande parfois s’ils n’ont pas oublié ce qu’est une crise. Prenons la dernière crise de 2008, beaucoup d’investisseurs ne l’ont pas connue. A partir de 1996, le sentiment que les banques centrales protègeraient les marchés quoiqu’il en coûte s’est progressivement installé. Sauf que depuis quelques mois, nous sommes rentrés dans une nouvelle ère et nous constatons un changement de régime de la part des banques centrales. Il est donc très important de se préparer à des crises plus dures et plus violentes, avec moins de filets de sécurité.
Comment analyser le revirement des banques centrales et quelles sont les difficultés à venir ?
Elles se sont complètement trompées en 2020 en provoquant une inflation énorme. Quand les taux remontent, les déficits des états augmentent, les bilans d’entreprises se détériorent, les pertes latentes des banques augmentent, donc le système se tend et devient de plus en plus dangereux. Il faut alors traquer les accidents, en particulier sur le crédit. Il y a des entreprises qui depuis des années se refinancent sur des montants très importants sans aucune difficulté, là où aujourd’hui auprès d’une même banque, elles risquent de faire face à des refus. C’est à cela qu’il faut s’attendre dans les prochains mois. L’amas de mauvaises nouvelles qui vont se conjuguer les unes avec les autres n’apparaissent pas encore dans les cours. Le marché du crédit se referme, tous les signaux de dangerosité sont allumés. Il va y avoir du risque. Quand le marché est trop complaisant pendant longtemps, il finit par y avoir des secousses graves. Les taux de rendement ne sont pas encore au maximum de ce que l’on peut espérer. Il faut laisser le stress s’amplifier.
2024 sera-t-elle l’année du retour du crédit ?
Aujourd’hui les spreads sont au plus bas. Les taux souverains sont montés là où les obligations entreprise ont relativement peu bougé. Elles ont compensé la hausse des taux par une compression des spreads. Par ailleurs, on parle trop peu de la structure des marchés qui a beaucoup changé, on a retiré beaucoup de liquidités et de visibilité à cause des ETF. Il n’y a plus personne pour prévenir en cas d’une montée menaçante et rapide, laissant penser que l’on ferait mieux de sortir au plus vite. Plus de la moitié des investisseurs achète des parts mais ils n’ouvrent jamais les comptes ! Cela donne à l’entreprise beaucoup de latitude pour gérer ses comptes. Le créateur des ETF, Jack Bogle, avait lui-même prédit à l’époque que lorsque les ETF auraient pris trop de place, cela deviendrait dangereux car plus personne ne regarderait les titres en direct. On y est presque. Cela créé pour nous des opportunités avec des écarts de valeurs dont nous essayons de profiter.
Les États-Unis, une valeur refuge par excellence ?
Nous préférons le marché américain car il est plus large et plus profond. La documentation sur les entreprises est bien plus importante qu’en Europe, de même que la volatilité et la diversité des titres est plus intéressante. Sur le marché actions le marché est déjà secoué, certaines ont déjà perdu la moitié de leur valeur et nous nous positionnons d’ores et déjà dessus. Concernant les obligations d’entreprise, il faut attendre que le stress arrive, y compris en Europe. Il convient de prendre de la duration car les banquiers centraux ont des cadrans trop vieux qui les ont empêchés de voir la montée de l’inflation. Les masses monétaires ont augmenté de 25% et aujourd’hui on constate que cela freine trop fort. Les masses monétaires sont négatives et l’effet récessif va être trop dure. Par conséquent, sans revenir à un taux zéro d’intérêt, on va surement regretter de ne pas avoir acheté des obligations d’État qui seront à 5% aujourd’hui. L’Europe est dans l’absolu beaucoup moins lisible que les États-Unis, qui restent une valeur refuge par excellence.