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Environnement: le captage des émissions de CO2 est-il l'option miracle pour l'industrie?

La zone de Dunkerque, où siège notamment l'usine ArcelorMittal de Grande-Synthe, fait partie des territoires éligibles en France pour capter/stocker les émissions de CO2.

La zone de Dunkerque, où siège notamment l'usine ArcelorMittal de Grande-Synthe, fait partie des territoires éligibles en France pour capter/stocker les émissions de CO2. - PHILIPPE HUGUEN / AFP

Présentés comme solution miracle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'industrie, sans avoir à bouleverser son mode de production, le captage/stockage de CO2, a un "potentiel limité", selon l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Alors que 11 géants de l'industrie en Europe (dont Total et ArcelorMittal) travaillent depuis un an sur un procédé innovant (DMX) de captage de CO2 d'origine industrielle, l'Agence de la transition écologique (Ademe) doute de l'intérêt de cette technologie.

Le captage couplé au stockage géologique de CO2 (CSC) est une des solutions qui permet de réduire les émissions de grands sites industriels sans changer le moyen de production. Sa mise en oeuvre suppose de récupérer le CO2 dans les fumées, de le transporter (par bateau, camion, pipeline) puis de le stocker dans le sous-sol terrestre ou marin.

"Cette technologie est souvent présentée comme incontournable pour certains secteurs industriels fortement émetteurs de gaz à effet de serre et n’ayant pas à leur disposition d’autres options pour "décarboner" leur activité" explique un avis technique publié cet été par l'Agence de la transition écologique (Ademe).

Une vingtaine de projets existent dans le monde

Pour cet organisme public, "une vingtaine de projets existent dans le monde, dont une grande partie accompagne une exploitation gazière ou pétrolière" mais, selon lui, "le volume stocké à ce jour (23 millions de tonnes de CO2 par an) reste anecdotique au niveau mondial."

La maîtrise des différentes étapes allant du captage au stockage "reste complexe et coûteuse". Le captage reste en effet fortement consommateur d'énergie nécessaire pour séparer le CO2 des fumées et l'adapter ensuite au transport.

Au niveau français, le captage/stockage de CO2  est applicable seulement à un nombre limité de sites industriels sur trois zones spécifiques du territoire en raison des contraintes techniques, géologiques, économiques, réglementaires et sociales
Au niveau français, le captage/stockage de CO2 est applicable seulement à un nombre limité de sites industriels sur trois zones spécifiques du territoire en raison des contraintes techniques, géologiques, économiques, réglementaires et sociales © Ademe
"En France, à part un projet de démonstrateur qui a permis de capter et stocker 60.000 tonnes de CO2, il n’y a aucun projet à l’échelle industrielle" explique l'Ademe.

D'ailleurs, selon son analyse, en raison des contraintes techniques, géologiques, économiques, réglementaires et sociales, le captage/stockage de CO2 n'est applicable seulement qu'à un nombre limité de sites industriels.

Selon elle, "tous les sites émetteurs inférieurs à 100 ktCO2/an sont écartés du gisement car ils ne pourront pas faire appel à cette solution à un coût raisonnable. Cela représente plus de 90 % des sites français".

Seuls trois sites adaptés au captage/stockage de CO2

Résultat, seules trois zones spécifiques du territoire autour de Dunkerque, Le Havre et Lacq, ont un potentiel pour cette technologie, en supposant que 90% des émissions de CO2 captées seraient ensuite stockées en mer hors du territoire français.

Ces trois sites ont ensemble un potentiel de captage et de stockage de CO2 d'environ 24 millions de tonnes/an, alors que les émissions de gaz à effet de serre de la France sur son territoire sont d'environ 465 millions de tonnes CO2 équivalent/an (2017).

Un problème d'acceptation sociale

L'Ademe émet aussi des doutes quant au potentiel futur de cette technologie. "Même en optimisant les technologies de captage (très consommatrices d’énergie), le CSC restera une solution coûteuse car elle n’est adaptée qu’aux sites très fortement émetteurs, en nombre limité, et nécessite des adaptations au cas par cas. Elle ne verra donc pas ses coûts réduits drastiquement par un effet d’échelle".

Enfin l'Ademe aborde la question de l’acceptation sociétale de cette technologie, "Au regard des risques technologiques et sanitaires potentiels: la réussite de projets nécessitera une implication de la société civile et des autorités locales, qui est loin d’être acquise" conclut-elle.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco