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"Une pratique pas illégale": voici la lettre de l'ambassade américaine envoyée à plusieurs entreprises françaises

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Plusieurs dizaines d'entreprises françaises ont reçu ce courrier leur demandant de renoncer à toute politique de discrimination positive si elles souhaitent passer des contrats avec le gouvernement américain.

Un courrier qui a fait bondir de nombreux chefs d'entreprise. Plusieurs sociétés françaises ont récement reçu une lettre d'avertissement et un questionnaire de l'ambassade américaine. Le document, que BFMTV s'est procuré, demande aux destinataires s'ils mettent en place des politiques internes de discrimination positive. Auquel cas, ils pourraient être empêchés de passer des contrats avec l'État américain.

Les entreprises ayant reçu la missive ont en effet été informées que "le décret 14173", pris par Donald Trump au début de son mandat pour mettre fin aux programmes promouvant l'égalité des chances au sein de l'État fédéral, s'appliquait "également obligatoirement à tous les fournisseurs et prestataires du gouvernement américain, quel que soit leur nationalité et le pays dans lequel ils opèrent".

La lettre de l'ambassade américaine envoyée à plusieurs entreprises françaises
La lettre de l'ambassade américaine envoyée à plusieurs entreprises françaises © BFMTV

Une pratique "pas illégale"

La lettre s'accompagne d'un "formulaire de certification du respect de la loi fédérale américaine sur l'anti-discrimination". Les entreprises sont invitées à le signer dans un délai de cinq jours pour déclarer qu'elles n'opèrent "aucun programme faisant la promotion de la diversité, de l'équité et de l'inclusion". En cas de refus, "nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous en donner les raisons en détail, que nous ferons remonter à nos services juridiques", indique l'ambassade.

Le certificat joint à la lettre envoyée par l'ambassade américaine
Le certificat joint à la lettre envoyée par l'ambassade américaine © BFMTV

Selon Bercy, des dizaines d'entreprises dont un géant français du retail ont reçu cette lettre il y a deux à trois semaines. Le ministère précise en outre que seuls les groupes travaillant avec l'ambassade américaine sont concernés et non toutes les entreprises exerçant aux États-Unis.

Contrairement aux propos du ministère du Commerce extérieur, Bercy réfute le terme "d'ingérence", affirmant que cette pratique, bien que déplacée, "n'est pas illégale". "L'ambassade américaine a le droit de changer ses règles. Il est question d'exclure les entreprises qui mènent une politique d'inclusion. Or ce n'est pas une obligation en France, ce qui est obligatoire c'est de ne pas faire une politique de discrimination", ajoute-t-on du côté du ministère de l'Économie.

La France ne serait pas le seul pays concernés. Les ambassades américaine en Espagne et en Italie auraient également envoyé la lettre aux entreprises concernées.

Une valeur juridique "incertaine"

Plus tôt ce lundi, le ministre de l'Économie, Eric Lombard, a assuré que la valeur juridique de la lettre de l'ambassade américaine était "incertaine". "Sachez que nous prenons ça très au sérieux et nous soutiendrons les entreprises dans ces débats", a insisté le ministre.

"Le contexte de tensions géopolitiques, évidemment, nous place dans une situation qu'on pourrait penser comme étant une situation défensive. J'ai eu le privilège d'accompagner le président de la République dans son voyage à Washington. Et quelques heures passées avec la nouvelle administration américaine montrent que nous faisons face à des vents contraires", a raconté Éric Lombard.

Avant lui, son homologue au Commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, s'était dit "profondément choqué" par l'envoi de cette lettre et avait appelé à "ne pas transiger" sur la loi et les "valeurs françaises". Signalant que le gouvernement français aurait "une discussion avec l'ambassade des États-Unis", le ministre a dit souhaiter "comprendre quelle est vraiment l'intention derrière" cette initiative.

Gaëtane Meslin avec Paul Louis