Tunnel sous la Manche: le britannique Gemini Trains veut également concurrencer Eurostar

Ça commence à se bousculer devant le Tunnel sous la Manche. Getlink, le gestionnaire, fait tout pour attirer de nouveaux acteurs aux côtés d'Eurostar (en situation de monopole), notamment en modernisant certains éléments techniques du tunnel pour y faire passer plus de trains.
Et force est de constater que de nombreuses entreprises manifestent leur intérêt. Dernier en date: le britannique Gemini Trains. L'entreprise planche sur une offre depuis deux ans et souhaite mettre en place des liaisons internationales depuis Londres.
"Avec les nouvelles générations qui optent plus facilement pour le train dans le cadre de leurs déplacements, il y a une vraie opportunité de rendre le secteur plus dynamique et d'offrir des tarifs compétitifs sur l'un des plus importants trajets ferroviaires d'Europe", explique l'entreprise.
Concrètement, la société a annoncé qu’elle souhaitait proposer des services entre Londres et Paris/Bruxelles dans un premier temps, "avec d’autres destinations passionnantes en cours de développement". Elle a demandé les autorisations nécessaires et un accès au centre de maintenance d'Eurostar.
Des trains spéciaux et chers
Gemini peut s'appuyer sur l'expertise de son équipe et sur le poids politique de son président, Lord Tony Berkeley, un vétéran de l’industrie britannique, notamment ferroviaire.
Pour autant, au-delà de l'effet d'annonce, le projet reste flou. On le sait, les besoins en capitaux pour se lancer sont colossaux et Gemini Trains ne dit rien sur ses capacités d'investissements, notamment pour acheter des trains, trains qui seront longs à obtenir compte tenu de leurs spécificités (pouvoir circuler à travers différents pays notamment). Et qui sont chers car ils doivent être capables de rouler à 300 km/h, une rame coûtant au bas mot 34 millions d'euros.
D'autant plus que d'autres prétendants semblent un peu plus avancés.
Virgin Group, le groupe du milliardaire britannique Richard Branson, a confirmé ses ambitions qu'il souhaite lancer son projet de services ferroviaires transmanche et compte lever 700 millions de livres, soit 834 millions d'euros, pour son projet.
"La route transmanche est mûre pour le changement et bénéficierait de la concurrence", a déclaré un porte-parole dans un communiqué. "Bien que Virgin ne s'engage pas encore à lancer un service, nous recherchons des investissements auprès de partenaires partageant les mêmes idées pour investir aux côtés de Virgin et nous sommes ravis des progrès réalisés jusqu'à présent."
Virgin, Evolyn et les autres
Virgin, qui exploitait auparavant des trains interurbains en Grande-Bretagne, prévoit de relier Londres à Paris et à Bruxelles, puis à Amsterdam. Elle vise un service à haute fréquence et un lancement en 2029, ce qui paraît assez irréaliste compte tenu des délais de production des trains.
La presse britannique évoque une perspective d'achat par Virgin de 12 rames neuves pour 600 millions d'euros. Virgin évaluerait actuellement les propositions d'Alstom, Hitachi, Talgo et Siemens. L'objectif serait de passer commande cette année. Ces informations n'ont pas été confirmées par la firme.
Autre prétendant, Evolyn, un consortium piloté par Mobico (ex-British National Express), un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire, qui a annoncé en 2023 avoir commandé à Alstom 12 trains à grande vitesse afin de lancer d'ici à 2026 un service commercial.
Sauf que 24 heures après cette annonce, Alstom démentait toute commande et même tout contrat.
"Alstom et Evolyn ont conclu un accord de courte durée pour démarrer un travail préparatoire d’ingénierie du système de train, avec l’objectif de poursuivre ce travail dans l’hypothèse où les deux entreprises signeraient un contrat pour l’achat et la livraison d'un certain nombre de trains, à condition qu'Evolyn soit en mesure d'assurer le financement du projet" expliquait alors l'industriel français.
Contacté en janvier, Alstom indiquait que le dossier n'a pas évolué depuis.
Eurostar ne se laissera pas faire
On peut également citer Heuro, une start-up néerlandaise qui a officiellement demandé des créneaux horaires entre Amsterdam et Londres afin de lancer un service en 2028 avec 15 trajets quotidiens. Là encore, le financement reste flou.
"Nous savons que la situation est difficile et qu’elle le restera. Pour Heuro, nous avons fait appel à deux sociétés d’investissement, l’une de New York et l’autre de Suisse. Elles travailleront avec nous pour mettre en place le financement", indiquait la start-up en 2023.
L'espagnol Renfe a également affiché des ambitions sans pour autant en dire plus.
Enfin, il ne faut pas oublier Eurostar qui n'entend pas rester inactif face à cette effervescence concurrentielle. L'opérateur prévoit notamment d’augmenter sa propre flotte de 50 nouveaux trains d'ici à 2030.
Les nouvelles rames viendraient en partie remplacer celles devant être mises au rebut, vu leur ancienneté. Au total, ces potentielles acquisitions porteraient la flotte d'Eurostar à 67 trains, contre 51 actuellement. Des rumeurs insistantes prêtent à Eurostar l'intention d'acquérir des trains à grande vitesse Avelia Horizon d'Alstom, soit la base du TGV M de la SNCF.
Si cette ouverture à la concurrence est souhaitée voire poussée par Getlink, elle ne pourra néanmoins pas être illimitée. L'infrastructure du tunnel impose des limites en fréquence et en nombre de trains.
Mais le principal frein est la taille du centre de maintenance Temple Mills International, actuellement utilisé par Eurostar.
Pour ce dernier, il n'est pas assez vaste pour accueillir d'autres trains que les siens. Il faudrait soit l'agrandir, soit en construire un autre car en l'état, pour certains observateurs, les infrastructures actuelles permettraient d'accueillir qu'un seul concurrent à Eurostar.