Trains en retard, réseau en souffrance: la Deutsche Bahn encore dans le rouge alors que la SNCF enchaîne les bénéfices

Des trains de la Deutsche Bahn en gare de Munich en 2022. - John MacDougall
Alors que la SNCF enchaîne les bénéfices depuis quatre ans (1,6 milliard d'euros en 2024), son homologue allemand, la Deutsche Bahn (DB) reste lourdement ancré dans le rouge.
La compagnie ferroviaire détenue par l'Etat essuie une perte de 1,8 milliard d'euros l'an dernier. Le groupe a certes réduit sa perte nette (2,7 milliards en 2023), mais le rail allemand reste sur la corde raide, pressé d'investir pour rattraper des décennies d'inaction tout en restant criblé de dettes (32,6 milliards d'euros).
"La Deutsche Bahn traverse sa plus grande crise depuis 30 ans", plombée par ses infrastructures vieillissantes, a résumé le PDG Richard Lutz en conférence de presse.
Le taux de ponctualité des trains, sujet éternel de raillerie et de critiques en Allemagne, s'est encore aggravé en 2024 et est tombée sous la barre des 90%. Seulement 62,5% des trains longue distance sont arrivés à l'heure l'an dernier, contre 64,0% en 2023.
62% des trains longue distance à l'heure
La situation est d'autant plus compliquée car ses besoins en investissements sont colossaux pour régénérer le réseau. Mais si l'opérateur ne peut pas compter sur ses bénéfices pour mener à bien des travaux, elle mise sur le plan massif de dépenses décidé par le pays.
Richard Lutz a aussi salué le plan d'investissement de 500 milliards d'euros sur 12 ans adopté par le Parlement allemand, "une partie de la solution" aux problèmes de l'entreprise.
"Nous avons attendu si longtemps que ce signal soit envoyé", a remercié Richard Lutz, promettant de "construire les capacités correspondantes" à ce fonds spécial.
Selon lui, environ 150 milliards d'euros sont nécessaires pour mener à bien les projets d'extension et de numérisation du rail en Allemagne.
Dans le même temps, l'exploitant veut se recentrer sur ses activités ferroviaires, comme en témoigne la cession de sa pépite logistique Schenker en septembre pour 14,3 milliards d'euros.
DB va aussi supprimer 10.000 postes d'ici fin 2027, principalement dans l'administration.
En France, la SNCF puise dans ses bénéfices pour régénérer le réseau
La SNCF entend justement éviter à tout prix la situation de la DB. "Nous avons sous les yeux l'Allemagne qui n'a pas fait les efforts suffisants et connaît de gros problèmes de fiabilité", indiquait Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF.
"Nos collègues suisses refusent même que les trains allemands rentrent dans leur pays car ils sont trop en retard et ça vient gêner la circulation des trains suisses", a détaillé le PDG.
Pour autant, les conséquences du sous-investissement historique dans le réseau non-TGV sont toujours criantes avec des ralentissements de la vitesse des trains, voire des fermetures de lignes, notamment dans les trains régionaux (TER).
En 2022, le contrat de performance sur dix ans entre l'Etat et SNCF Réseau prévoyait 3 milliards d'euros pour l'infrastructure (la régénération du réseau). Une somme jugée insuffisante.
Promesse a été faite de faire passer progressivement le contrat de performance avec SNCF Réseau à 4,5 milliards en 2027, soit un milliard annuel en plus pour la régénération (le remplacement) des voies et 500 millions pour sa modernisation avec de nouvelles technologies de signalisation.
Rappelons qu'en France, les bénéfices de la SNCF servent à alimenter un fonds de concours dédié à SNCF Réseau qui doit lui aussi mener d'importants travaux de régénération du réseau secondaire.
En 2024, la SNCF a consacré 1,6 milliard à l'entretien du réseau soit 100% de ses bénéfices via ce "fonds de concours". "J'ai décidé d'accroître l'apport au fonds de concours de 2,3 milliards d'euros supplémentaires entre 2024 et 2027" par rapport à ce que la loi de réforme ferroviaire de 2018 prévoyait, a rappelé le PDG du groupe.
Pour autant, "il faudra mettre 1,5 milliard d'euros supplémentaires par an dans l'entretien du réseau à partir de 2027", a-t-il également prévenu.