Taxe sur les aéroports: pourquoi les prix des billets vont (encore) augmenter

Taxer les modes de transports polluants pour financer la transition écologique est l'une des lignes directrices du Budget 2024. Le gouvernement a donc décidé de frapper les grands concessionnaires d'autouroutes et d'aéroports à l'image d'ADP qui exploite notamment Roissy et Orly.
Comme l'explique Aéroports de Paris, "ce projet prévoit une taxe de 4,6% applicable au chiffre d'affaires inscrit dans les comptes sociaux. Sur cette base, la taxe aurait eu en 2022 un impact d'environ 100 millions d'euros, sur les charges opérationnelles courantes (impôts et taxes) d'ADP SA, diminuant d'autant l'EBITDA du groupe (...) et de 90 millions en 2024".
Mais le groupe n'entend pas payer seul cette taxe, il va en répercuter une grande partie (75%) sur les compagnies aériennes à travers les redevances qu'elles versent au concessionnaire.
Dès 2024
ADP "prévoit de répercuter l'augmentation des charges régulées dans les tarifs de redevances. La hausse des tarifs serait échelonnée sur deux à trois ans, afin de contenir son effet pour les compagnies aériennes et respecter le principe, prévu par la loi, d'une évolution "modérée" des tarifs d'une année sur l'autre peut-on lire dans un communiqué.
"Une première hausse, couvrant près de la moitié de l'impact de la taxe, interviendrait dès la période tarifaire 2024. Les hausses complémentaires interviendraient sur la ou les périodes tarifaires suivantes" poursuit ADP.
Cette nouvelle ponction viendra s'ajouter à diverses redevances ainsi qu'aux 200 millions d'euros par an générés par l’éco-contribution mise en œuvre en 2020 (dite "taxe Chirac").
Pour la filière, c'est donc une très mauvaise nouvelle. "Notre demande à l’égard des pouvoirs publics est claire. La FNAM (Fédération nationale de l'aérien et de ses métiers) est attachée à un cadre réglementaire, fiscal et d’exploitation stabilisé permettant au secteur aérien de sécuriser les moyens financiers nécessaires à sa décarbonation", souligne son président Pascal de Izaguirres.
Le secteur déplore des coûts en forte hausse
Une hausse des redevances payées par les compagnies devrait in fine déboucher sur une nouvelle hausse du prix des billets d'avion payés par les consommateurs. Cela semble inecductable.
"Cette taxe sera essentiellement supportée par les compagnies aériennes et leurs passagers" confirme à BFM Business, Laurent Timsit, Délégué Général de la FNAM.
Car les opérateurs mettent en avant de lourdes dépenses essentiellement pour se décarboner. Pour la France, "le surcoût de la transition écologique du secteur aérien pour le pavillon français (hors investissement flotte) est estimé à 1 milliard d’euros en 2025 et près de 3 milliards d’euros à l’horizon 2030", précise le président de la Fnam.
Quant au renouvellement massif des flottes, qui est en cours chez la plupart des grandes compagnies, "c'est un investissement d'un milliard d'euros par an", révèle Anne Rigail, directrice générale d'Air France.
L'utilisation de carburants durables, levier essentiel à la décarbonation, a également un coût. "1% de SAF, c'est 100 millions d'euros pour la compagnie, 10%, c'est 1 milliard d'euros. Sur un Paris-New York à 20% de SAF, le billet augmentera de 175 euros. Ça ne passera pas inaperçu", estime Anne Rigail.
Distorsion de la concurrence
Sur les sept premiers mois de l'année, la hausse en cumulée du prix des billets d'avion est de 14,3% après plus de 20% en 2022.
Par ailleurs, la filière craint une perte de compétitivité: "Cette nouvelle taxe, en renchérissant le coût d’utilisation des principaux aéroports français à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros sur la période 2024-2027, portera un coup supplémentaire à l’attractivité de la France et à la compétitivité des compagnies aériennes basées sur le territoire national alors que le pavillon français perd chaque année un point de part de marché au profit d’opérateurs bénéficiant d’un environnement réglementaire et fiscal plus favorable dans leurs pays d’origine" souligne Laurent Timsit.
"Ce projet introduit des distorsions de concurrence entre les compagnies françaises et les compagnies étrangères comme Ryanair, qui desservent la France depuis des aéroports comme Beauvais et ne subiraient pas les effets de cette taxation", abonde Air France dans un communiqué.