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Pas de réponse, faux prétextes... Les compagnies aériennes européennes font tout pour ne pas indemniser les passagers

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Selon les chiffres d'AirHelp, un site spécialisé dans le dédommagement des passagers, 52% des demandes éligibles ont été rejetées à tort. Entre la stratégie de refus et la complexité des demandes, beaucoup d'entre eux finissent par renoncer.

Les compagnies aériennes européennes font-elles preuve de mauvaise volonté quand il s'agit de dédommager leurs passagers? Rappelons que le consommateur peut être indemnisé grâce au règlement 261/2004 adopté il y a plus de 20 ans par l'Union européenne "pour tout voyageur au départ d’un pays de l’Union européenne qui voit son vol annulé pour des conditions non extraordinaires, ou retardé de plus de trois heures". Ce dernier prévoit un dédommagement de 250 euros pour les vols de moins de 1.500 kilomètres, de 400 euros pour les vols compris entre 1.500 et 3.500 kilomètres et de 600 euros pour les vols de plus de 3.500 kilomètres. Le tout pour des retards supérieurs à trois heures.

L'an passé, les passagers aériens au départ de la France ont cumulé plus de 7 millions de minutes de retard sur leurs vols, selon le site Flightright. 20% des départs ont subi un retard supérieur à 15 minutes et 1% des vols ont été annulés. C'est dire l'importance d'une telle protection même si seulement un passager français concerné sur deux en moyenne formule une telle demande. Certains ne sont pas au courant de l'existence de ce règlement, d'autres estiment que les procédures sont trop complexes.

Des refus sans explications dans 8% des cas

Pire, selon les chiffres d'AirHelp, un site spécialisé dans le dédommagement des passagers, les compagnies tentent de décourager leurs clients: 52% des demandes éligibles ont été rejetées dans un premier temps sans raison valable. "Cela signifie que, même si l’ensemble des 2,5 millions de voyageurs ayant voyagé depuis ou vers la France et éligibles à une indemnisation en 2024 en raison de retards ou d’annulations avaient déposé une demande, environ 1,3 million d’entre eux n’auraient pas pu obtenir la compensation qui leur revenait", peut-on lire dans un communiqué.

Toujours selon AirHelp, les compagnies jouent d'abord la montre pour décourager leurs clients lésés. 26% des demandes n'ont ainsi reçu aucune réponse. Dans 21% des cas, elles refusent une indemnisation pour de prétendues conditions météorologiques défavorables sans en apporter la preuve. Dans 13% des cas, elles mettent en avant des documents non valides ou attribuent le retard au contrôle aérien (9%). Parfois, il n'y a même pas d'explication motivant un refus (8%) et dans 3% des dossiers, elles contestent la durée réelle du retard. Encore plus malhonnête, 2% d'entre elles justifient leur refus par leurs conditions générales de vente alors que le droit européen prévaut dans tous les cas. Face à cette stratégie d'usure, beaucoup renoncent.

"Ces pratiques ne sont pas marginales mais traduisent une stratégie généralisée visant à réduire les coûts liés aux indemnités obligatoires", commente le site.

Il faut dire que ces indemnisations représentent une charge financière évaluée (par les compagnies) à 8,1 milliards d'euros par an.

Vers un nouveau barème moins protecteur

Cette stratégie d'évitement pourrait d'ailleurs prendre de l'ampleur puisque les 27 pays de l'Union européenne se sont mis d'accord en juin pour modifier ces indemnités. Car le nouveau barème n'est franchement pas à l'avantage des consommateurs, même s'il n'est pas encore acté puisqu'il doit maintenant être discuté au Parlement européen. Voici comment les seuils de déclenchement et les montants seraient réorganisés:

  • 300 euros pour les vols de moins de 3.500 kilomètres, ainsi que pour tous les vols intra-européens, à partir de quatre heures de retard.
  • 500 euros pour les trajets plus longs, à partir de six heures de retard.

Les associations de consommateurs ont fustigé cette mesure. "Les nouveaux seuils d'éligibilité priveront la majorité des passagers de leurs droits d'indemnisation, étant donné que la plupart des retards se situent entre 2h et 4h", dénonce le Bureau européen des unions de consommateurs. 75% des passagers seraient ainsi exclus du droit à indemnisation.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business