Avion en retard ou annulé: les Français inquiets d'un recul des droits des passagers… même s'ils les connaissent peu

Les discussions sont discrètes mais elles commencent à susciter de vifs débats. Actuellement, la présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne plaide pour une révision des seuils d'indemnisations en cas d'annulation ou de retard d'un vol.
Pilotée par le lobby des compagnies aériennes, cette réforme aura pour effet, si elle est adoptée, de considérablement modifier, au détriment du voyageur, les indemnisations en cas de vol retardé ou annulé. De quoi permettre aux compagnies de réaliser d'importantes économies.
Les seuils de déclenchement et les montants seraient réorganisés:
- 250 euros pour les vols de moins de 3.500 kilomètres,
- 400 euros pour un retard de neuf heures sur un vol au sein de l’UE de moins de 3.500 kilomètres et sur les vols extracommunautaires de 3.500 à 6.000 kilomètres
- 600 euros lors d’un retard de 12 heures sur un vol extracommunautaire de plus de 6.000 kilomètres.
Ce projet permet au sujet d'être à nouveau médiatisé et c'est une bonne nouvelle car selon un sondage mené par Ipsos pour Flightright, seulement 48% des Français connaissent l'existence du règlement européen qui encadre les indemnisations et seuls 16% en connaissent les montants et conditions exacts d’obtention.
Les Français favorables à une indemnisation automatique
Pour autant, ils sont 66% à rejeter le projet de révision de ce règlement. Ils sont d'ailleurs 73% à souhaiter au contraire une revalorisation des montants d’indemnisation pour les adapter à l’inflation, montants qui n’ont pas été modifiés depuis 2004. Et 82% sont favorables à une indemnisation automatique et standardisée en cas de perte ou de détérioration des bagages.
"Ces résultats montrent un soutien public fort, toutes générations confondues, à préserver, et même améliorer, les droits des passagers aériens européens", comente Imane El Bouanani, experte juridique chez Flightright.
"Réduire ces droits sous prétexte d’économies ou d’efficacité est non seulement injuste, mais aussi très impopulaire. L’Union européenne doit entendre ses citoyens."
"Nous nous alarmons des reculs majeurs envisagés par le projet actuellement en cours de discussions, voulu par le lobby des compagnies aériennes", dénoncent de leur côté 10 associations de consommateurs dont l'UFC-Que Choisir.
"75% des passagers seraient exclus du droit à indemnisation" car "l’essentiel des retards de vols se situent entre 2 et 4h, l’adoption d’un tel texte aboutirait de facto à exclure les trois quarts des passagers victimes de retard de toute compensation, et à mettre en place une forme de prime à la piètre qualité pour les compagnies aériennes", peut-on lire dans un communiqué de presse commun.
80% des vols en retard seraient exclus de l'indemnisation
"Nos données montrent qu’en modifiant le règlement proposé, plus de 80% des vols affectés par des retards ne pourraient plus bénéficier d’une indemnisation pour leurs passagers. Cela laisserait les passagers complètement bloqués et n’inciterait pas les compagnies aériennes à réduire les retards", précise de son côté, Tomasz Pawliszyn, PDG d’AirHelp, interrogé par le quotidien belge L’Echo.
L'an passé, les passagers aériens au départ de la France ont cumulé plus de 7 millions de minutes de retard sur leurs vols, selon Flightright. 20% des départs ont subi un retard supérieur à 15 minutes et 1% des vols ont été annulés.
Si ce projet de réforme divise, il est loin d'être acquis. Le Parlement, la Commission et le Conseil européen doivent tomber d'accord et certains députés ont déjà affiché leur hostilité à ce projet porté par les compagnies aériennes.