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Transports

Les trains allemands sont trop en retard et le réseau est trop vétuste: le patron de la Deutsche Bahn limogé soudainement

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Sous le feu des critiques, Richard Lutz, va devoir passer la main dans un contexte très difficile pour la vénérable Deutsche Bahn.

Autrefois fierté de l'Allemagne, la Deutsche Bahn ou DB (la SNCF du pays) est aujourd'hui l'ombre d'elle même. Retards, accidents, sous-investissements dans le réseau… La compagnie est aujourd'hui fortement critiquée par les clients et l'État fédéral. Le gouvernement a donc décidé d'agir et a annoncé ce jeudi par la voix du ministre des Transports le limogeage de son patron, Richard Lutz.

"Nous avons convenu de mettre fin prématurément au contrat du patron des chemins de fer", a annoncé le ministre allemand des Transports, Patrick Schnieder, lors d'une conférence de presse surprise à Berlin.

Il a pointé du doigt la situation "dramatique" de la DB, le manque de satisfaction des usagers en termes de ponctualité et de rentabilité. À la tête des chemins de fer allemands depuis 2017, Richard Lutz, 61 ans, restera toutefois en fonction jusqu'à ce qu'un successeur soit trouvé.

Principal motif de cette décision: les retards chroniques des trains dans le pays qui empoisonnent la vie des usagers. Le taux de ponctualité des trains longue-distance chute depuis des années en Allemagne. L'an dernier, elle atteignait seulement 62,5%, contre 79% en 2016.

Des retards si importants que la Suisse a décidé de stopper les trains à grande vitesse (ICE) allemands à leur premier arrêt sur le réseau suisse pour les remplacer par des trains locaux qui, eux, partent et arrivent à l'heure.

Déraillement mortel en juillet

Mais l'état du réseau est aussi en cause, avec en point d'orgue, le 28 juillet dernier, le déraillement d'un train régional dans le sud-ouest de l'Allemagne, faisant au moins trois morts et de nombreux blessés. Si la cause exacte de cette catastrophe n'a pas encore été déterminé, la vétusté des infrastructures est pointée du doigt. Déjà, en juin 2022, le déraillement d'un train régional avait fait quatre morts et 30 blessés dans les Alpes bavaroises.

Le nouveau gouvernement conservateur s'est engagé à investir plusieurs centaines de milliards d'euros au cours des prochaines années dans la DB qui, comme la SNCF, appartient à l'État, notamment pour moderniser le réseau. Le groupe pourra compter jusqu'à la fin de la législature, en 2029, sur 107 milliards d'euros d'aides publiques, dont plus de 20 milliards cette année. La grande partie provient du fonds d'infrastructure spécial de 500 milliards d'euros adopté en mars pour le gouvernement.

Mais 17 milliards d'euros supplémentaires seraient nécessaires d'ici 2029, a plaidé Richard Lutz, pour mener de front la numérisation et la modernisation des infrastructures existantes, sans retard.

L'association des usagers de la Deutsche Bahn a accueilli froidement l'annonce du départ de Richard Lutz. "La situation des chemins de fer ne changera pas en changeant les dirigeants, mais uniquement en améliorant la politique ferroviaire en Allemagne et en finançant suffisamment les chemins de fer", a déclaré Karl-Peter Naumann, dirigeant d'honneur de Pro-Bahn. "Tous les ministres des Transports précédents ont en fait plus ou moins échoué et ont fortement contribué à la situation actuelle des chemins de fer", a-t-il ajouté.

La SNCF veut éviter un scénario à l'allemande

La situation du rail allemand est d'ailleurs présentée comme le pire scenario par la SNCF qui cherche également à doper les investissements dans le réseau.

"Nous avons sous les yeux l'Allemagne qui n'a pas fait les efforts suffisants et connaît de gros problèmes de fiabilité", avait indiqué son patron Jean-Pierre Farandou en mai dernier.

En moyenne, le réseau ferroviaire français a 29 ans de moyenne d'âge. "Si rien n’est fait, avertit la SNCF, c'est-à-dire que si aucun moyen supplémentaire n’est consacré à l’entretien des rails, du ballast et surtout des caténaires, ces fils en cuivre vieillissantes qui permettent d’alimenter les locomotives en électricité, 2.000 trains risquent d’être impactés quotidiennement dès 2028 par des retards, des travaux inopinés, voire des fermetures ponctuelles."

Une conférence de financements a permis de dégager des pistes. Il s'agit de trouver 1 milliard d'euros supplémentaires par an pour maintenir en vie le réseau ferroviaire et surtout de prendre des décisions dès maintenant afin de pouvoir programmer les nécessaires travaux dès 2027.

Olivier Chicheportiche avec AFP