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Les touristes français et européens vont-ils bouder l'Amérique de Trump cet été? Pour les patrons des compagnies aériennes ce n'est pas flagrant

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Si elles restent prudentes, les compagnies aériennes se veulent rassurantes, pour l'heure, au sujet de possibles conséquences des politiques de Donald Trump sur la fréquentation estivale des liaisons aériennes vers les États-Unis.

La fréquentation des liaisons avec les États-Unis cet été va-t-elle pâtir des politiques de Donald Trump? La question est sur toutes les lèvres au rassemblement annuel des compagnies aériennes, qui restent attentives mais se veulent pour l'instant rassurantes.

"En bref, la réponse est non, et ce n'est pas que nous ne nous y attendons pas, nous examinons la situation chaque jour", a expliqué lundi le directeur général du groupe aérien sud-américain Abra (Avianca et Gol), Adrian Neuhauser, devant les délégués de l'Association internationale du transport aérien (Iata) à New Delhi.

"Nous avons vu un changement de comportement des consommateurs, qui achètent leurs billets d'avion bien plus tard qu'auparavant, mais les passagers finissent par apparaître, nous trouvons que c'est assez remarquable vu la dynamique politique" aux États-Unis, a-t-il ajouté.
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"Ce que nous redoutions le plus, c'était un changement important de la nature de la demande" sur l'axe nord-atlantique, a indiqué à l'AFP le directeur général d'Air France-KLM, Benjamin Smith, "mais nous ne le voyons pas" se produire. Pour Air France et KLM, des compagnies davantage orientées vers le haut de gamme que leurs concurrentes, "le trafic 'premium' se maintient comme prévu. La demande baisse un peu sur les voyages de loisirs, et nous remplissons les avions en consentant des baisses de prix, donc la rentabilité n'est pas aussi élevée qu'espérée", a nuancé Benjamin Smith.

Guerre commerciale

Depuis son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a donné le signal d'une lutte contre l'immigration clandestine, visant en particulier les Latino-américains, déclenché des guerres commerciales tous azimuts début avril après avoir évoqué l'annexion du Canada, et s'en est récemment pris aux visas d'étudiants étrangers, notamment chinois. Fin mars, plusieurs pays européens ont appelé leurs ressortissants se rendant aux États-Unis à redoubler de vigilance concernant leurs documents de voyage, après des cas médiatisés d'incidents aux points d'entrée.

Selon une étude du World Travel and Tourism Council (WTTC) qui regroupe les grands opérateurs du tourisme mondial, le secteur touristique américain pourrait perdre 12,5 milliards de dollars en dépenses de visiteurs internationaux cette année. Le directeur général de l'Iata Willie Walsh, qui fédère 350 compagnies aériennes captant 80% du trafic aérien mondial, a pourtant affirmé que jusqu'ici, "le trafic entre l'Europe et l'Amérique du Nord (...) est en progression par rapport à la même période de l'année dernière".

"Nous avons beaucoup de données sur les réservations (...) elles me paraissent bonnes", a ajouté Willie Walsh lors d'une conférence de presse mardi à New Delhi.

Cependant, l'Iata a aussi noté "une augmentation des capacités vers l'Amérique latine" pour la fin de l'année, de la part des compagnies européennes au détriment de la desserte de l'Amérique du Nord, selon le vice-président de l'organisation pour les Amériques, Peter Cerda. "Plus que redouté", l'effet Trump "est réel" sur les liaisons entre Europe et Etats-Unis, a pour sa part assuré à l'AFP Didier Bréchemier, partenaire senior chez Roland Berger. "Aujourd'hui, les réservations sont plus faibles que ce qu'elles étaient à la même date, l'année dernière", a-t-il ajouté, évoquant aussi un dollar qui reste très élevé et peut décourager des Européens.

+9% en Asie-Pacifique

Lundi, l'Iata a révisé en baisse ses projections de trafic et de rentabilité pour 2025 en raison du ralentissement de l'activité et des incertitudes économiques, qu'elle a attribués en partie à l'offensive de droits de douane de Donald Trump. L'Amérique du Nord, parmi les grandes régions mondiales, est celle qui connaîtra la croissance la plus faible de son trafic aérien cette année, selon l'Iata: 0,4%, contre 6% pour l'Europe et 9% en Asie-Pacifique.

Le secteur aérien nord-américain "devrait être affecté par un ralentissement de l'économie des États-Unis, et l'augmentation des droits de douane risque d'éroder à la fois la confiance des consommateurs et des entreprises, réduisant la consommation et l'investissement", a prévenu l'Iata. "Nous constatons une faiblesse sur le marché intérieur, et je pense que la plupart des patrons de compagnies aériennes américaines le confirmeraient", a expliqué à New Delhi Joanna Geraghty, dirigeante de la compagnie JetBlue.

Depuis février, le marché du transport aérien nord-américain a commencé à donner des signes de ralentissement. Plusieurs compagnies établies aux États-Unis ont prévenu qu'elles n'atteindraient pas leurs objectifs financiers mais affirmé que les liaisons internationales n'étaient pas touchées.

J. Br. avec AFP