La Renfe met en pause son développement sur le marché ferroviaire français

Engagée depuis des mois dans un bras de fer avec la SNCF, la compagnie ferroviaire espagnole Renfe a annoncé vendredi mettre en pause ses projets de développement en France, laissant planer le doute sur la poursuite de ses opérations sur le marché hexagonal. "Face aux difficultés et retards successifs rencontrés dans le déploiement de son offre de services à grande vitesse en France, Renfe confirme avoir engagé un processus d'analyse et de réflexion sur sa stratégie globale dans ce pays", a assuré la compagnie dans une déclaration transmise.
Cette réflexion va se traduire notamment par un "report du lancement de ses opérations" entre Barcelone et Toulouse, qui étaient censées débuter au deuxième trimestre 2025, ajoute dans cette déclaration l'opérateur, sans plus de précisions sur l'avenir de cette liaison.
Une liaison Toulouse-Barcelone "absolument indispensable"
La compagnie publique espagnole avait annoncé mi-octobre le lancement de liaisons directes entre Barcelone et Toulouse, avec des arrêts dans les villes espagnoles de Gérone et Figueras, mais aussi à Perpignan et Carcassonne, cinq ans après y avoir mis fin en pleine crise du Covid-19. Le retour de cette liaison, réclamé de longue date par les élus des villes concernées, était censée marquer une nouvelle étape dans le développement de la compagnie, qui effectue déjà depuis 2023 des liaisons Barcelone-Lyon et Madrid-Marseille, et qui ferraille depuis des mois pour étendre sa desserte vers Paris.
"Le retour du train entre Toulouse et Barcelone est absolument indispensable, à la fois pour la planète, l'économie et les habitants de nos deux régions et de nos deux pays, qui l'attendent avec impatience", a réagi la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga.
"C'est inacceptable qu'en dehors de la route, la seule offre de transport soit l'avion", a-t-elle ajouté, en précisant vouloir adresser avec le président socialiste de la région de Catalogne Salvador Illa un courrier au Premier ministre François Bayrou, à son homologue espagnol Pedro Sánchez ainsi qu'aux PDG de la Renfe et de la SNCF rappelant "l'urgence" de cette liaison.
"La France met tout en oeuvre pour empêcher"
La Renfe, qui souhaite faire du marché français un tremplin pour son internationalisation, a mis en cause à plusieurs reprises ces derniers mois les autorités ferroviaires françaises, accusées de freiner l'arrivée des trains espagnols pour protéger la SNCF face à la concurrence européenne. La Renfe souhaitait initialement desservir Paris à l'été 2024, c'est-à-dire pour les Jeux olympiques. Faute d'avoir obtenu une homologation pour ses nouveaux trains S-106, produits par le fabriquant espagnol Talgo, elle avait finalement évoqué une arrivée dans la capitale française en décembre 2024, puis à une date non précisée.
Une déconvenue qui avait poussé le ministre espagnol des Transports, Oscar Puente, à monter au créneau. "Il est clair pour tout le monde que la France met tout en oeuvre pour empêcher un véritable processus de libéralisation sur son marché. Cela signifie que nous jouons selon des règles différentes", avait-il dénoncé fin septembre.
"C'est l'un des problèmes de la libéralisation ferroviaire : il n'y a pas eu de réciprocité", avait insisté ce proche de Pedro Sánchez.
Le contre-exemple Trenitalia
La SNCF exploite plusieurs lignes ferroviaires sur le marché espagnol, via sa filiale Ouigo, depuis le printemps 2021. Ces trains à bas coûts desservent notamment Barcelone, Valence, Alicante, Valladolid et l'Andalousie, où la compagnie "low cost" s'est lancée en janvier dernier. Interrogé à l'occasion de ce lancement, le directeur de la branche TGV France et Europe de SNCF Voyageurs, Alain Krakovitch, avait nié tout manque de réciprocité, assurant que les retards de la Renfe étaient liés à ses choix technologiques, qui compliquent l'homologation de ses trains.
La compagnie italienne Trenitalia, qui propose cinq allers-retours par jour entre Paris et Lyon et deux entre Paris et Milan, "n'a pas eu spécialement de problème pour rentrer en France. Ça montre bien qu'on ne met pas de barrières", avait-il assuré, en rappelant que Ouigo avait également fait face à des obstacles pour son essor en Espagne. Trenitalia, qui entend poursuivre son développement en France, a officialisé mi-mars le lancement au 15 juin de quatre allers-retours quotidiens entre Paris et Marseille. Et plusieurs compagnies nouvellement créées, comme Proxima, ont annoncé vouloir ouvrir des lignes commerciales d'ici 2030.