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Des stocks de kérosène "sous-tension": les aéroports parisiens vont-ils se retrouver à l'arrêt?

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Le ministère de la Transition énergétique a indiqué ce matin que l'approvisionnement en kérosène de l'Île-de-France et de ses aéroports par la Nomandie devenait "critique".

Les programmes de vols vont-ils finir par se réduire d'eux-mêmes sans que la DGAC ne délivre de consignes aux compagnies face aux grèves de contrôleurs aériens? L'approvisionnement en kérosène de l'Ile-de-France et de ses aéroports par la Normandie "devient critique", a indiqué jeudi le ministère de la Transition énergétique qui a "pris un arrêté de réquisition" à l'égard des grévistes, lequel n'a pas été notifié "à ce stade" aux salariés de la raffinerie, arrêtée le week-end dernier.

La raffinerie TotalEnergies de Normandie, la plus grande de France, est sur les mêmes oléoducs que la CIM (Compagnie industrielle maritime) au Havre et la raffinerie Esso-ExxonMobil voisine de Port-Jérôme-Gravenchon, qui alimentent les aéroports parisiens. Les expéditions de carburants de la raffinerie Esso sont également bloquées, selon la CGT. La Direction générale de l'Aviation civile prévient depuis plusieurs jours les compagnies aériennes que les réserves de kérosène dans les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Orly sont "sous tension", les incitant à prendre leurs précautions.

"Les stocks de kérosène à Paris Charles-de-Gaulle sont actuellement sous tension. Pour éviter tout problème opérationnel, tous les vols à destination de Paris-CDG sont appelés à emporter le maximum de carburant depuis leur aéroport d'origine, dans la limite des capacités opérationnelles" de l'appareil, prévient ainsi la DGAC dans un message transmis le 17 mars.

Un problème de transport mais pas de stocks

Au cours d'une conférence de presse de présentation des résultats financiers, le PDG d'Esso France, Charles Amyot, a estimé que le problème concernait plutôt la logistique que les stocks. Une analyse derrière laquelle se range également Patrice Geoffron, directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP) qui rappelle que la tension actuelle ne porte pas sur la production de kérosène mais sur son transport:

"On est en présence d’une interruption de la logistique et de l’acheminement vers les plateformes aéroportuaires."

Pour l'expert du CGEMP, la situation pourrait devenir particulièrement problématique: "Un avion qui viendrait d’une autre partie de l’Europe ou qui aurait traversé l’Atlantique et qui ne trouverait pas de quoi se ravitailler à Roissy ou à Orly se retrouverait bloqué sur ces plateformes aéroportuaires. Donc on voit bien les problèmes logistiques qui peuvent se poser."

Patrick Geoffron compare la situation actuelle à un épisode remontant à 2010 durant lequel la DGAC avait envoyé des notifications similaires, "les données disponibles suggérant qu'il ne restait que 24 ou 48 heures de stocks disponibles": "Des réquisitions ont eu lieu et c’est l’enjeu de la période actuelle. Un arrêté de réquisition a été pris ailleurs et n’a pas été mis en œuvre compte tenu de la journée de manifestation aujourd’hui mais si des tensions devaient se confirmer, on pourrait aller vers des réquisitions de manière à libérer le kérosène en remettant au moins transitoirement en fonctionnement le pipeline."

Le mouvement social des contrôleurs aériens est le véritable danger

Ancien pilote chez Air France, Jean Serrat estime que les problèmes d'approvisionnement "n'ont rien à voir avec les mouvements sociaux". "Il y a eu des problèmes techniques qui ont fait que depuis quelques mois, il y a des difficultés de ravitaillement. Du reste, beaucoup de compagnies ont des consignes qui consistent à faire le plein de carburant quand l’avion est à l’étranger de manière à ne pas être gêné à Orly ou Charles de Gaulle. Financièrement, on a aussi souvent fait de l’import de carburant depuis le Moyen-Orient." Outre le souci d'indépendance vis-à-vis des quantités de carburant disponibles sur les aéroports français, l'objectif peut donc être de faire le plein avec du kérosène vendu moins cher qu'en France.

Selon le consultant en aéronautique pour BFMTV, le véritable danger pour le bon fonctionnement des aéroports français et plus particulièrement parisiens est le mouvement social des contrôleurs aériens. "Les restrictions de vols envoyées par la DGAC ne sont pas liées à des problèmes de carburants mais de mouvements sociaux suivis par les contrôleurs aériens, insiste-t-il. Si les contrôleurs aériens français font grève, ce n’est pas que la France qui est arrêtée mais pratiquement toute l’Europe."

Timothée Talbi