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Ariane 6: voici Canopée, le cargo à voiles qui transporte les tronçons de la fusée jusque Kourou

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Le navire hybride de 121 mètres de long et doté de quatre ailes verticales de 363 m² chacune, a quitté le port du Havre ce mercredi pour rejoindre Kourou en Guyane.

C'est une première à plusieurs titres. Les premiers tronçons de la future fusée Ariane 6 ont quitté la Métropole par la mer ce mercredi 14 février, à bord du Canopée, un énorme cargo à voiles novateur, le premier du genre.

Stéphane Israël, président exécutif d'Arianespace - 12/09
Stéphane Israël, président exécutif d'Arianespace - 12/09
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C'est le premier chargement pour ce navire hors normes et écologique opéré par la société française Alizés. Il emporte l’étage principal et l’étage supérieur du futur lanceur européen.

Ce navire a été pensé spécifiquement pour transporter les colossaux éléments de la nouvelle fusée Ariane (5.000 tonnes) suite à un appel d'offre d'ArianeGroup en 2018.

La cargo à voiles Canopée
La cargo à voiles Canopée © ArianeGroup/Tom Van Oossanen

Ses dimensions sont du même acabit, colossales: 121 mètres de long, pour 22 mètres de large et 5 mètres de tirant d’eau et une proue qui rappelle celle d'un avion.

Des voiles hissées à 37 mètres de haut

Mais c'est surtout son système de propulsion hybride thermique et à voile (assistance vélique) qui étonne: le navire est équipé de quatre "ailes" verticales "Oceanwings" de 363 m² chacune, armées sur des mâts de 37 mètres de hauteur, soit la hauteur d'un immeuble de 12 étages.

Ces voiles géantes épaulent deux moteurs alimentés en Diesel/GNL (gaz naturel liquéfié).

Le cargo à voiles Canopée
Le cargo à voiles Canopée © ArianeGroup/Tom Van Oossanen

Ces ailes sont informatisées et peuvent pivoter automatiquement à 360° pour s’adapter au vent. L'orientation des volets (un à l'avant, un à l'arrière) se fait grâce à un algorithme qui analyse la météo et les vents à venir.

"C'est comme des ailes d'avion où le volet va descendre pour permettre à l'avion de décoller en générant des poussées conséquentes", explique à l'AFP Romain Grandsart, directeur opérationnel d'Ayro, start-up bretonne à l'origine de ces voiles conçues au départ pour la course.

30% de consommation de combustible en moins

De quoi réduire d’environ 30% la consommation moyenne en combustible à chaque traversée de l'Atlantique, selon son créateur, soit jusqu’à 7.200 tonnes de CO2 par an d'émissions en moins.

Mais cette approche peut rallonger le temps de parcours. Car le navire ne cherchera pas à emprunter la route la plus courte, mais ira plutôt chercher les vents les plus porteurs.

Le cargo à voiles Canopée à quai dans le port de Brême
Le cargo à voiles Canopée à quai dans le port de Brême © ArianGroup

"Compte tenu des enjeux environnementaux actuels il devient nécessaire de faire évoluer le modèle énergé­tique des navires de transport et des navires de services du domaine de l’énergie qui est notre cœur de marché. Nous sommes fiers d’y prendre part avec ce premier cargo à voile", commente Jean-Michel Berud, Président de Jifmar Offshore Services (qui compose avec Zéphyr & Borée la coentreprise Alizés).

"Alizés est le partenaire d’ArianeGroup dans cette aventure depuis 2019. Canopée est le premier cargo à propulsion vélique désormais en activité et nous sommes fiers de montrer qu’il y a d’autres manières de faire du transport maritime industriel, que c’est possible. Cette avancée mondiale impulsée par ArianeGroup fait souffler un vent frais sur la filière du transport maritime", s'enthousiasme l'entreprise.

9 rotations par an

Cette automatisation permet également de réduire l'équipage avec seulement 11 marins à bord.

Depuis Le Havre, Canopée fera des "stops" dans les ports européens proches des unités de production de la fusée Ariane 6, à Brême (Allemagne), Rotterdam (Pays-Bas) ou encore Bordeaux avant de filer vers la Guyane à une vitesse moyenne de 16 nœuds selon les conditions de vent. L'objectif est de réaliser neuf de ces rotations sur une année.

Le voyage devrait durer entre 15 et 30 jours jusqu'à Kourou, où les éléments de la fusée seront assemblés, on peut suivre son périple en direct sur cette page.

Un container protégeant un des étages d'Ariane 6 prêt à embarquer sur le cargo à voiles Canopée
Un container protégeant un des étages d'Ariane 6 prêt à embarquer sur le cargo à voiles Canopée © ArianGroup
"La livraison des étages de cette première Ariane 6 est une étape essentielle sur la route vers le vol inaugural, puis vers l’exploitation commerciale du nouveau lanceur lourd européen", s’est félicité Martin Sion, Président exécutif d’ArianeGroup.

Rappelons que le lanceur Ariane 6 est décliné en deux versions: Ariane 62 (deux boosters) capable de mettre en orbite géostationnaire une capacité de 4,5 tonnes et 10,3 tonnes en orbite basse et Ariane 64 (quatre boosters) qui pourra mettre 11,5 tonnes en géostationnaire et 20,6 tonnes en orbite basse.

Un cas d'école pour le fret maritime
Comme le souligne Actu Transport et Logistique, Zéphyr & Borée fait partie d’un groupement réunissant plusieurs chargeurs comme Michelin, Géodis et Ikea, et est engagé dans un appel d’offres pour la construction de dix porte-conteneurs à propulsion hybride (voiles et diesel/méthanol).
De nombreuses initiatives se développent, on compte déjà 200 armateurs, équipementiers et autres sociétés de conseil et d'étude spécialisées dans cette filière dans le monde.
La transition de ce secteur, qui prendra du temps (100.000 cargos naviguent chaque jour), doit permettre de réduire les émissions de CO2 qui représentent 3% des émissions de gaz à effets de serre sur la planète pour 80 à 90% des échanges mondiaux de marchandises.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business