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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi les maires des grandes villes haussent le ton contre les "dark stores"

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Les élus des grandes villes s'opposent à un projet d'arrêté du gouvernement qui risquent, selon eux, de faciliter le développement des "dark stores" et "dark kitchens" sources de multiples nuisances.

Les métropoles déclarent la guerre aux "entrepôts fantômes". Les "dark stores" et "dark kitchens" qui se sont développés à vitesse grand V ces derniers mois en France sont au cœur d’une nouvelle polémique depuis quelques jours. En cause, un projet de décret et un projet d’arrêté visant à mieux réguler ces établissements mais dont le contenu est loin de satisfaire les élus des grandes villes désireux de stopper leur implantation.

• Que sont les "dark stores"?

Incarnations du "quick commerce" qui permet de commander des produits en ligne et d'être livré en quelques minutes, les "dark stores" et "dark kitchens" sont d’anciens locaux commerciaux reconvertis en mini-entrepôts de centre-ville. Les premiers stockent des produits de consommation courante tandis que les secondes sont des cuisines non adossées à un restaurant, uniquement destinées à la livraison de plats.

Profitant d'un certain flou juridique, les acteurs du "quick commerce" comme l'allemand Gorillas, le français Cajoo ou le turc Getir ont multiplié le développement de ces établissements dans les métropoles depuis 2020, à la faveur des confinements et des couvre-feux successifs.

En janvier, l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur), dépendant de la mairie, dénombrait plus de 80 "dark stores" à Paris et dans sa proche banlieue, et au moins 25 "dark kitchens" dans la capitale. Le phénomène est naissant dans les autres grandes villes comme Lyon, Nice ou Bordeaux. En 2021, cette activité a généré 1200 millions d’euros de ventes. Soit une croissance de 86%.

• Que reprochent les élus des métropoles aux "dark stores"?

Va-et-vient incessant des livreurs susceptibles de gêner les riverains, conditions de travail plus que discutables, concurrence déloyale pour le commerce de proximité, achat de locaux commerciaux qui contribue à la flambée des prix immobiliers… Les arguments avancés par les élus des grandes villes pour freiner le développement des "dark stores" et "dark kitchens" sont nombreux.

Mais c’est aussi et surtout la définition légale de ces locaux qui est au cœur de la controverse. La Ville de Paris qui hausse le ton depuis plusieurs mois contre le quick-commerce considère les "dark stores" comme des entrepôts. A cet égard, ils sont censés respecter un certain nombre de règles d'urbanisme compte tenu des nuisances qu'ils provoquent.

Parmi elles: l'interdiction par le Plan local d'urbanisme d'implanter dans certaines zones des sites logistiques dans les rez-de-chaussée et les sous-sols des immeubles à usage d'habitation. Or, les "dark stores" occupant pour la plupart des locaux commerciaux, la municipalité se dit en droit de les sanctionner.

Début juillet, l’adjoint au maire de Paris, Emmanuel Grégoire, annonçait les premières pénalités financières contre les "dark stores" ne respectant pas les réglementations en matière d’urbanisme. L'élu avait déclaré vouloir "prendre à la gorge", à raison d'astreintes financières de 500 euros par jour et de 25.000 euros maximum par entrepôt, "les grands opérateurs de dark stores qui "pour beaucoup sont dans une illégalité totale".

• Pourquoi les élus s’inquiètent du projet du gouvernement

La semaine dernière, Emmanuel Grégoire a dit son "inquiétude" et son "incompréhension" face à un projet d'arrêté du gouvernement "qui légalise de fait les dark stores". Selon lui, ce texte permettrait à ces établissements d’être considérés comme des lieux de commerce ou de restauration, et non des entrepôts, pour peu qu’ils disposent d’un point de collecte pour le public. En clair, d'un simple comptoir.

De son côté, le ministère délégué auprès du ministre de la Transition écologique, chargé de la Ville et du Logement, a confirmé qu'un projet de décret et un projet d'arrêté étaient "en cours d'élaboration", notamment pour "mieux encadrer le développement des "dark stores", "dark kitchens" et "clarifier le statut de ces locaux".

Une "concertation" est en cours "depuis six semaines", a précisé cette source. Le projet "a été soumis en juillet à la consultation des différentes parties prenantes (collectivités locales et professionnels concernés). Cette consultation a permis de recueillir les premiers retours et les différentes propositions des parties prenantes sur le texte", selon la même source. "Dans les prochaines semaines, le travail d'adaptation du texte et de concertation des acteurs concernés va se poursuivre afin de concilier au mieux les différents enjeux", a-t-on ajouté.

• Que réclament les élus des métropoles?

Vendredi, une lettre adressée par une dizaine d’élus de grandes villes à Elisabeth Borne réclame "que les communes où prospèrent" les dark stores "disposent des moyens juridiques de les réguler et de lutter efficacement contre toutes les externalités négatives que celles-ci produisent".

Parmi les premiers signataires, les maires de Paris, Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Lille, Besançon, Villeurbanne et Montreuil. A ces responsables socialistes, écologistes et communiste se joignent deux élus de droite, le président de la métropole du Grand Paris Patrick Ollier et celui de l'Association des maires d'Ile-de-France Stéphane Baudet.

Ces élus jugent que la nouvelle règlementation envisagée par le gouvernement "ne saurait en aucun cas convenir tant elle cautionne, dans les faits, le modèle de 'dark city' et retire aux communes le principal levier qu'elles pouvaient actionner pour réguler ces implantations".

De son côté, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Paris Ile-de-France a exhorté vendredi "le gouvernement à mettre en place le cadre légal d'une régulation forte et territorialisée du quick commerce à Paris afin de combler le vide juridique dans lequel cette activité s'est rapidement développée dans la capitale, où elle représente déjà plus de 25% des livraisons alimentaires à domicile, trop souvent aux dépens des commerçants de proximité et des riverains".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis avec AFP Journaliste BFM Eco