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Paris, Lyon et les grandes villes s'attaquent aux "dark stores" qui prolifèrent en France

Créée en juillet 2020, l'application Gorillas est déjà implantée dans six pays.

Créée en juillet 2020, l'application Gorillas est déjà implantée dans six pays. - Gorillas

Devant l'explosion depuis un an des start-up du quick commerce, certaines grandes villes tentent de limiter leur expansion pour protéger leur centre-ville.

Les municipalités veulent siffler la fin de la récré. Paris, Lyon mais aussi Rouen s'attaquent aux "dark stores" qui prolifèrent depuis quelque temps seulement dans les grandes villes de France.

Lancés fin 2020 dans l'Hexagone, les services de livraisons de courses à domicile en moins d'un quart d'heure se sont développés à vitesse grand V ces derniers mois. Un développement que certaines villes veulent limiter car il serait selon elles source de nuisances.

Profitant d'un certain flou juridique, les entreprises de "quick commerce" comme l'allemand Gorillas, le français Cajoo ou le turc Getir ont multiplié les ouvertures de "dark stores", ces anciens locaux commerciaux reconvertis en mini-entrepôts de centre-ville qui servent de bases de départ pour les centaines de livreurs de ces plateformes. La seule ville de Paris compte 70 "dark stores" pour plus d'une centaine au niveau national.

C'est la mairie de Lyon pour le moment moins pourvue que la capitale qui la première a tapé du poing sur la table. Lors d'un conseil municipal tenu en décembre, l'adjointe au commerce de la ville a assuré que Lyon s'opposerait à l'implantation de dark stores.

"Nous ne voulons pas d'une société où tout est dark, où tout est quick, a déclaré en Camille Augey. Nous ne voulons pas d'une ville-entrepôt, sans vitrines où chacun reste chez soi, sans convivialité, sans aucun prétexte pour rencontrer l'autre."

Selon les quartiers, la municipalité refusera les implantations de ces entrepôts en s'appuyant sur le Plan local d'urbanisme qui interdit dans certaines zones (UC) l'implantation de sites logistiques.

+86% en un an

A Rouen, la mairie a récemment fait savoir qu'elle préempterait les commerces susceptibles de devenir des "dark kitchens", l'équivalent des dark stores pour la livraison de repas, afin de "préserver notre centre-ville", a prévenu Sileymane Sow, l'adjoint au commerce et à l'économie.

Pas d'interdiction de principe à Paris mais la municipalité de la capitale ne compte pas rester les bras croisés devant l'explosion de cette activité qui a généré 122 millions d'euros de ventes en 2021 (+86%).

"Nous ne sommes pas là pour interdire ce nouveau mode de consommation, indique dans Le Parisien Emmanuel Gregoire, le premier adjoint de la Ville de Paris. Mais il questionne la société sur toutes les nuisances que cela génère et la menace qu’il fait peser sur nos petits commerces de quartier auxquels nous tenons tous, insiste Emmanuel Grégoire. C’est un phénomène de plus auquel les commerces traditionnels vont devoir s’adapter."

L'élu qui va réunir en mars les 10 plus grands acteurs de ce marché assure que la Ville a commencé à s'attaquer aux acteurs de ce marché en multipliant les procès verbaux. Une douzaine de PV aurait été adressés aux start-up qui n'ont pas transmis de déclaration préalable de changement de destination des locaux dans lesquels elles ont installé leurs dark stores.

L'élu de la capitale rappelle que la loi du 27 décembre 2019 sur l'extension des pouvoirs de police du maire "nous permet de saisir le tribunal judiciaire et de demander une amende par jour d’astreinte. Cela peut aller jusqu’à 500 euros par jour et jusqu’à 25 000 euros par entrepôt."

La ville de Paris souhaite que ces entrepôts ne donnent pas sur la rue et soient prioritairement en sous-sol ou sur cour. Les acteurs du secteur sont pour l'heure ouverts à la discussion.

"Il y a un pas à faire l'un vers l'autre, assure Henri Capoul, le fondateur du français Cajoo dans Les Echos. Nous avons à peine un an d'existence, nous ne sommes pas des pirates. Il faut nous laisser construire notre modèle. Mais nous pourrions réfléchir à des adaptations de nos locaux, par exemple faire du click and collect."

Une loi anti-dark stores?

Si les acteurs du quick commerce reconnaissent que leur activité peut-être à l'origine de nuisances pour les riverains, ils réfutent en revanche les craintes de dévitalisation des quartiers que cette activité occasionnerait.

Les leaders du marché que sont Cajoo et Gorillas assurent travailler avec un nombre important de commerces et artisans locaux notamment sur la boulangerie. L'allemand Gorillas assure même que 30% de son inventaire provient de brasseurs, maraîchers, boulangers et autres torréfacteurs locaux.

Les élus locaux réclament en tout cas de disposer d'armes juridiques adéquates pour s'opposer à l'implantation des dark stores et dark kitchen.

"Nous avons demandé au gouvernement que les communes puissent disposer d'un droit plus formel pour réguler, assure Emmanuel Gregoire dans Le Parisien. Nous voulons avoir un pouvoir réglementaire permettant de conditionner l'installation de dark stores à un certain nombre de critères."
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco