Taxation internationale: les multinationales ne veulent plus être tenues à l'écart

On les avaient assez peu entendues suite à la signature en octobre dernier de la réforme fiscale historique, qui vise à les taxer de manière plus équitable et à instaurer un taux d'impôt minimal mondial de 15% à partir de 2023.
Mais les grandes multinationales concernées ont décidé de prendre leur plume pour réagir. Dans un courrier adressé le 16 novembre dernier aux membres de l'OCDE, l'instance internationale qui a mené les négociations, "Business at OECD", une entité représentant les grands groupes au sein de l'OCDE, critique vertement la méthode employée.
Si ces entreprises ne remettent pas en cause le contenu de l'accord, elles fustigent la méthode. Selon ce courrier obtenu par Les Echos, l'absence de dialogue depuis plusieurs mois entre elles et les Etats est tout simplement "aberrante".
"Mise en oeuvre difficile"
L'entité rappelle que sa vocation est justement "d'apporter de la matière technique et pratique pour que l'OCDE puisse bâtir des politiques plus efficaces". Elle regrette que cet échange n'a jamais eu lieu. "Ce sentiment était partagé par tous les membres, quel que soit le pays ou le secteur", peut-on lire.
Elle exige désormais que le fil du dialogue soit renoué, au plus vite sous peine d'application difficile de la réforme.
"Ce que nous voulons donc désormais proposer, c'est que l'on s'engage rapidement et en profondeur dans un processus de conseil, à la fois formel, transparent et compréhensible, concernant les enjeux techniques […], sans quoi la mise en oeuvre du Pilier 1 et du Pilier 2 risque de s'avérer très difficile".
Et d'ajouter une petite menace supplémentaire: "Le danger, sinon, c'est que de nombreux groupes refuseront à l'avenir de s'impliquer dans des procédures multilatérales".
"Nous sommes impatients de renouer une relation où - pour être très explicite - vous vous chargez de la dimension politique, et où nous vous conseillons sur les règles à mettre en place pour répondre à ces politiques. J'insiste, nous espérons vraiment que vous accepterez cette offre", insiste l'organisation.
Un mécanisme de consultation mais un calendrier serré
L'OCDE, par la voix de Pascal Saint-Amans à qui on doit l'architecture de la réforme, indique avoir entendu le message. "Nous allons mettre en place un mécanisme de consultation des entreprises sur le Pilier 1 de l'accord" a-t-il indiqué.
Un mécanisme qui devra rapidement se mettre en place puisque l'objectif est une mise en application de la réforme d'ici 2023. Rappelons néanmoins que ce calendrier sera difficile à tenir, dans la mesure où chaque pays doit désormais traduire cet accord mondial dans sa propre législation, une partie qui n'est pas gagnée d'avance.
Aux États-Unis, l'administration de Joe Biden devra également convaincre un Congrès très réticent à cette réforme qui touche principalement des multinationales américaines.