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Succession de Giorgio Armani: L’Oréal et EssilorLuxottica craignent d’être évincés par LVMH

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La succession de Giorgio Armani est lancée et le groupe de la famille Bettencourt se prépare au bras de fer. L’Oréal compte sur la préférence des héritiers du couturier italien.

LVMH est le candidat qui fait peur dans la succession de Giorgio Armani. Le créateur italien a laissé dans son testament trois noms que ses héritiers devront départager pour prendre 15% de son empire: L’Oréal, EssilorLuxottica et LVMH.

Après la surprise de cette liste, parue il y a un mois, les trois prétendants commencent à se positionner. Chacun évalue son intérêt et sa chance d’entrer au capital de la marque italienne, afin d’en prendre le contrôle dans trois ans. L’exécution de la succession ne commencera pas avant début 2026, selon une source proche du dossier, le temps que des sujets fiscaux soient réglés entre héritiers. Ce processus s’annonce déjà comme un casse-tête.

"Les héritiers Armani préfèrent L’Oréal mais la logique est de choisir LVMH et de garder les deux autres licences", reconnait un proche du groupe de Bernard Arnault.

L’Oréal réalise et vend les produits de beauté (parfums, maquillage…) de la marque Armani et EssilorLuxottica fabrique et commercialise ses lunettes. Chaque groupe tient à sécuriser sa licence Armani. Surtout L’Oréal. La sienne dure jusqu’en 2050 et génère, selon nos informations, environ 1,5 milliard d’euros par an, soit environ 10% de sa division luxe. Elle pèse moins lourd chez EssilorLuxottica, quelques centaines de millions d’euros mais le groupe tient aussi à la conserver, après son renouvellement il y a deux ans, jusqu’en 2038.

À eux deux, L’Oréal et Luxottica rapportent environ 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires à la griffe italienne qui ne peut donc pas se passer de ses précieuses licences.

Pas de cohabitation avec LVMH

Mais en face, LVMH fait peur. "Pendant 20 ans, Bernard Arnault a approché 10 fois Giorgio Armani!, se rappelle un banquier italien. Il aurait préféré se vendre à Hermès ou Chanel…" Beaucoup s’interrogent sur la raison de laisser LVMH entrer dans le jeu.

"C’est très étrange car en réalité, personne n’en veut chez Armani", assure un acteur du dossier.

Giorgio Armani l’a-t-il fait pour faire monter les enchères face à L’Oréal et EssilorLuxottica? Une cohabitation de ces deux groupes avec LVMH, qui prendrait le contrôle d’Armani dans trois ans, semble impossible.

"LVMH est un vrai problème pour L’Oréal et Luxottica, reconnait un cadre d’un des deux groupes. Ils n’ont pas confiance en Bernard Arnault qui les expulsera et reprendra leur licence." Son modèle économique repose sur l’intégration de tous les métiers, sans passer par les licences. Et LVMH est le seul des trois prétendants à couvrir tous les métiers d’Armani: mode, cosmétiques et montures.

Il se murmure que LVMH chercherait à s’allier à un partenaire italien pour convaincre les héritiers Armani. Des échanges auraient eu lieu avec John Elkann, président de Stellantis qui côtoie Delphine Arnault au conseil d’administration de Ferrari. Contacté, le leader mondial du luxe n’a pas souhaité commenter nos informations.

Un chèque de plus de 1 milliard d’euros

Tout le monde se prépare à ce que le PDG de LVMH offre "un prix canon" pour rafler la mise. Selon des sources bancaires, Armani vaudrait entre 7 et 8 milliards d’euros, ce qui conduirait à débourser plus de 1 milliard d’euros pour la part de 15%.

Pour le moment, L’Oréal affûte ses armes. "Nous regardons toutes les options", reconnaît le groupe qui tient à sécuriser sa licence Armani. Son entourage fait valoir qu’il a déjà associé des licences de parfum à des prises de participation comme chez Jacquemus dont il a racheté 10% en début d’année. L’Oréal est donc capable de le faire avec Armani même si la mise de départ sera élevée. Un des scénarios étudiés par L’Oréal consiste à racheter avec EssilorLuxottica les 15% d’Armani, chacun sécuriserait ainsi sa licence.

C’est aussi l’objectif du lunettier même si sa problématique est différente. Les liens entre son fondateur Leonardo Del Vecchio, décédé en 2022, et Giorgio Armani étaient forts et anciens. Surtout, Armani détient 2,5% d’EssilorLuxottica, valorisés à plus de 3 milliards d’euros, hérités de la première licence signée avec Luxottica, en 1988. Le testament de la star italienne prévoit que 40% de ces parts, soit 1,2 milliard d’euros, reviendront à Leo Dell’Orco, le bras droit de Giorgio Armani qui décidera et bénéficiera de sa succession. Dans ces conditions, difficile de se passer d’EssilorLuxottica. Contactés, EssilorLuxottica et Armani n’ont pas souhaité commenter nos informations.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business