BFM Business
Entreprises

Pourquoi la grande majorité des boîtes de nuit resteront fermées cet été

placeholder video
Autorisés à rouvrir le 9 juillet, les gérants de discothèques jugent inapplicable le protocole sanitaire qui leur est imposé. La plupart prévoit déjà de maintenir leurs établissements fermés cet été. D'autant que l'Etat maintiendra les aides qui leur sont octroyées.

Sur les réseaux sociaux, les annonces se multiplient. Bien qu’autorisées à rouvrir à compter du 9 juillet, nombreuses sont les boîtes de nuit à avoir d’ores et déjà décidé de rester portes closes. "C’est pas qu’on ne veut pas. Tout le monde voudrait rouvrir, mais on se dit: ‘Est-ce qu’il ne vaut mieux pas attendre deux mois que la situation sanitaire aille mieux pour pouvoir ouvrir dans de meilleures conditions?’", s’interroge Ivan Poupardin, président de l'AFEDD (Association Française des exploitants de discothèques et dancings) et patron de la discothèque La Brocherie, près de Rouen.

Un protocole inapplicable

La grande majorité des exploitants de ces établissements de nuit déplorent les contraintes qui leur seront imposées s’ils choisissent de rouvrir. En particulier l’obligation pour la clientèle de présenter un pass sanitaire justifiant d’une vaccination complète contre le Covid-19, d’un test négatif ou d’une infection récente, qui s’ajoute à une jauge d’accueil de 75%: "80% de la profession n’est pas en mesure faire appliquer ce protocole sanitaire", assure Ivan Poupardin.

Un constat partagé par Patrick Malvaës, président du Syndicat National des Discothèques et Lieux de Loisirs (SNDLL): "La reprise sera très lente et très hétérogène. Il y a à peu près trois quarts des discothèques qui ne vont pas rouvrir. Par exemple, à Biarritz, une seule rouvrira, dans le Cotentin zéro", explique-t-il. Lui aussi juge absurde l'obligation de présenter un pass sanitaire: "Ce qui me gêne, c’est le problème pratique. On a fait un test, on en vérifie 12 à 15 à l’heure", détaille-t-il. Un rythme bien trop lent pour assurer la fluidité, notamment dans les grandes structures: "On va se retrouver avec 150-200 personnes devant la porte, c’est ingérable", abonde-t-on du côté de l’AFEDD.

La profession déplore de surcroît que les bars dansants ne soient pas soumis au même protocole. Pour entrer dans ces établissements, aucun pass sanitaire n’est en effet exigé: "Nous sommes confrontés à des établissements que l’on appelle hybrides, c’est-à-dire les bars de nuit qui font exactement le même métier que nous sans en avoir les contraintes sanitaires et sécuritaires", s’agace encore l’AFEDD.

Protocole dissuasif

Au final, seules quelques discothèques dépendant fortement de la saison estivale et certaines petites structures moins embêtées par la gestion de flux importants pourront éventuellement rouvrir. Mais encore faut-il que cela vaille le coup. Pour la plupart des gérants de boites de nuit, l’obligation de présenter un pass sanitaire à l’entrée est bien trop dissuasive: "Il n’y a que 6% de notre cœur de cible, les 18-24 ans, qui sont vaccinés", rappelle Ivan Poupardin. Et "30% des moins de 29 ans sont contre la vaccination. Ça peut évidemment évoluer mais quand bien même ils iraient tous se faire vacciner, il va falloir attendre un mois pour le rappel", poursuit Patrick Malvaës.

Reste l’alternative des tests mais pour les professionnels du monde de la nuit, il est illusoire de penser que les jeunes iront se faire tester, avec tout l’inconfort que cela implique sur le moment, à chaque fois qu’ils souhaitent se rendre en boîte de nuit. En témoignent les soirées tests qui devaient être organisées en plein cœur de Paris, finalement reportées faute de volontaires.

Aides maintenues pour les discothèques fermées

Même avec toute la bonne volonté du monde, les gérants de discothèques ne s’attendent donc pas à voir la foule se précipiter dans leurs établissements en juillet. D’où la décision d’une majorité d’entre eux de rester fermés. D’autant que les organisations représentant la profession ont obtenu le maintien des aides pour les boîtes de nuit qui décideraient de ne pas reprendre leur activité dans l'immédiat, à savoir le fonds de solidarité à hauteur de 20% du chiffre d’affaires, l’activité partielle ainsi que le dispositif coûts fixes.

A l’inverse, ces aides seront moins intéressantes pour celles qui rouvriront dès juillet puisqu’il s’agira essentiellement d’une compensation de la perte de chiffre d’affaires à hauteur de 30%, dans la limite de 20% du chiffre d’affaires et de 200.000 euros. A partir du mois d’août, ce dispositif sera encore moins généreux pour les discothèques ouvertes (20% des pertes couvertes au lieu de 30). Enfin, une clause de revoyure prévue fin août devra déterminer s’il faut prolonger ce soutien aux établissements et dans quelle proportion.

Manque de personnel

Ajoutée à la problématique du protocole sanitaire, la difficulté de trouver du personnel alors qu’une partie des employés de boîtes de nuit a décidé de changer de voie. Patrick Malvaës estime à "un bon tiers" la proportion de ceux qui ne reviendront pas cet été. Même les DJ et plus largement le "personnel artistique" se font rares, soit parce qu’ils sont partis travailler à l’étranger, soit parce qu’ils sont déjà réservés pour des soirées privées, seule possibilité pour eux de continuer à gagner leur vie: "Ils sont tous déjà pris, impossible de faire des programmations", reconnaît Ivan Poupardin.

Dans ce contexte, les exploitants de boîtes de nuit ne s’attendent pas à un retour à la normale rapide. Les plus optimistes tablent sur la mi-septembre pour une réouverture sans contrainte, en supposant qu’aucun variant ne vienne d'ici-là relancer l’épidémie et que la population soit vaccinée en grande majorité.

L’AFEDD travaille pour sa part sur une "très grosse campagne de communication pour inciter les jeunes à se faire vacciner" et pour promouvoir la "nuit de la liberté", une grande soirée de réouverture sans pass sanitaire, ni jauge, qu’elle espère organiser le 1er octobre.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco