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Pénurie de main d’œuvre: ce n'est pas une question de salaire selon les dirigeants des TPE/PME

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Un baromètre réalisé par Bpifrance et Rexecode s’intéresse aux difficultés de recrutement des PME françaises. Le salaire demandé est loin d’être la première explication de la pénurie de main d'oeuvre.

L’entreprise face aux difficultés de recrutement. C’est le sujet de l’enquête trimestrielle que publie BPIfrance intitulé “Trésorerie, investissement et croissance des PME/TPE”. Principal enseignement: les entreprises ont de plus en plus de mal à recruter. Elles sont 79% à être confrontées à ces difficultés, c’est plus qu’avant la crise (76%). Mais surprise, les raisons invoquées par les recruteurs pour expliquer le manque de main d'œuvre apparaissent contre intuitives.

L'absence de candidats invoquée bien avant la question des salaires

Les 640 réponses analysées par Bpifrance Le Lab et Rexecode ne placent pas la rémunération comme principale explication des difficultés de recrutement. A la question "quelles ont été la ou les barrières à l’embauche”, les dirigeants n'évoquent le salaire qu’en 5ème position.

En tête du classement, l’absence de candidats (pas de CV reçu) est citée par 70% des chefs d’entreprises. Une problématique observée notamment dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Loin derrière, le niveau de qualification des candidats, le manque d’expérience et l’inadéquation perçue du candidat avec l’entreprise devancent le salaire. Cet item n’est cité que par 21% des dirigeants, qui pouvaient citer jusqu’à 4 réponses.

Derrière, l’organisation de l’entreprise (horaires de travail) est ensuite évoquée. Il s’agit là du seul élément lié directement à la société, comme le note le rapport. “Les dirigeants sont peu nombreux à estimer que les difficultés de recrutement sont liées à des caractéristiques propres à leur entreprise”, peut-on lire dans l'étude.

"C'est le retour à la situation d'avant-crise" et ces tensions se sont mêmes "exacerbées", a expliqué Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance, sur BFM Business. "L'année dernière, ces difficultés de recrutement avaient quasiment disparu. Les principaux freins à la croissance [en 2020] c'était la demande, les incertitudes sur les carnets de commande, etc. Voir revenir ces difficultés aussi rapidement, alors que finalement la crise n'est pas si loin derrière nous, c'est un signe qu'il s'agit vraiment aujourd'hui du problème majeur pour les chefs d'entreprise", a-t-il poursuivi.

Une crise du recrutement qui pèse sur la reprise

Reste qu’une majorité de chefs d’entreprises affirme que cette crise du recrutement affecte déjà le développement de leur activité (51% contre 49% en 2019) ou… qu’elle risque de contraindre le développement futur de l’entreprise (38% contre 36% en 2019). Les dirigeants ne sont que 11% à assurer que la pénurie de main-d'œuvre n’est pas importante à ce stade.

"Ce qui est étonnant, quand on demande aux chefs d'entreprise quels sont les niveaux de diplôme pour lesquels ils ont le plus de difficulté à recruter […], ce sont les 'sans qualification' et les CAP […]. Dans tous les secteurs, sauf [dans les services] où les difficultés de recrutement s'accentuent au fur et à mesure que le niveau de diplôme augmente […], c'est sur les plus bas niveaux de qualification que les difficultés sont les plus fortes", a précisé Philippe Mutricy.

Cette pénurie ne semble pas se résorber, d’après le baromètre. Un peu plus d’un tiers des postes à pourvoir sont vacants depuis plus de 6 mois, 12% le sont même depuis plus d’un an. Pour y remédier, les chefs d’entreprise affirment majoritairement avoir fait évoluer l’organisation générale de leur entreprise (55 %).

Plus d’un tiers explique avoir eu recours à de la main d’œuvre externe. Des mesures qui ne suffisent pas: 34 % des dirigeants assurent avoir restreint leur activité en raison de ces difficultés.

D’autres solutions ne trouvent en revanche pas grâce aux yeux des entrepreneurs. Le recours au télétravail pour attirer les candidats est une solution mise en place par seulement 5% des dirigeants sondés. Même constat pour les avantages non-monétaires proposés (4%) ou l’investissement dans l’automatisation des tâches pour moins de pénibilité (8%).

Sofiane Aklouf