Pas de bénéfices, pas de prime de participation: des salariés du géant Lactalis lancent une action pour récupérer leurs primes et accusent le groupe d'avoir minoré ses bénéfices

Lactalis - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
Une association regroupant des salariés de Lactalis a annoncé le lancement d'une "action" pour réclamer au géant laitier français des primes de participation dont ils estiment avoir été injustement privés en raison d'un système d'évasion fiscale qui minorait artificiellement les bénéfices.
"Notre but, c'est d'obtenir gain de cause pour ces gens et de récupérer les participations qui ont été spoliées du fait de la minoration des bénéfices, reconnue par Lactalis", a résumé pour l'AFP l'avocat de cette association, Me Renaud Portejoie, confirmant une information de RTL. L'avocat estimait mercredi représenter une centaine de salariés et ex-salariés.
L'"action Lactalis" est initiée par l'association Justice pour nos primes, qui a lancé mardi un site internet pour regrouper les salariés potentiellement concernés. Elle est animée notamment par Maxime Renahy, lanceur d'alertes dont les révélations avaient mis en évidence un système d'évasion fiscale de Lactalis via la Belgique et le Luxembourg.
A l'issue d'une transaction avec le fisc français, le groupe laitier (marques Président, Lactel, Bridel) a annoncé en décembre 2024 avoir versé 475 millions d'euros pour, selon lui, "clore un différend portant sur des opérations internationales de financement".
"15.000 à 35.000 euros" de manque à gagner sur dix ans
Parallèlement, sur le plan pénal, une enquête préliminaire a été diligentée par le parquet national financier pour des suspicions de minoration du bénéfice imposable. L'association Justice pour nos primes en conclut que les "primes de participation relatives aux profits dissimulés du groupe" n'ont pas été payées comme elles auraient dû l'être. Chacun des quelque 16.000 salariés de droit français de Lactalis est potentiellement concerné.
Selon "une estimation prudente" de Me Portejoie, qui souligne ne pas avoir eu accès à l'accord fiscal conclu entre Bercy et Lactalis, le manque à gagner "se situe dans une fourchette de 15.000 à 35.000 euros" pour des salariés présents sur les dix dernières années.
L'avocat a indiqué à l'AFP qu'il allait écrire cette semaine au groupe Lactalis pour l'informer de ses demandes. "S'ils acceptent le principe d'un règlement, nous entrerons en négociation", sinon il entamera au nom de ses clients une procédure sociale devant le conseil des prud'hommes doublée éventuellement d'une plainte au pénal avec constitution de partie civile, a-t-il ajouté. Interrogé par l'AFP, Lactalis a répondu qu'il "n'a pas connaissance d'une action de la part des salariés du groupe si ce n'est par voie de presse."
"Les organisations représentatives des salariés du groupe n'ont pas pris part à cette démarche qui relève d'une initiative isolée", souligne l'entreprise, qui assure que les dispositions de la transaction fiscale de fin 2024 "n'ont pas affecté les réserves d'intéressement et de participation des collaborateurs".
Le coordinateur du syndicat CFTC pour le groupe Lactalis, Thierry Peschard, a affirmé de son côté que cette action collective était "une surprise totale". Aucun syndicat n'est, selon lui, à l'origine de cette initiative et il exclut à ce stade de s'y joindre. "Si on avait des choses à régler, on ne le ferait pas de cette façon-là. Je pense qu'il y a d'autres leviers", a-t-il dit à l'AFP.