Noël: ce fabricant de peluches a décidé de majoritairement relocaliser sa production en France

A l'heure où Bercy craint une fuite d'une partie du tissu productif français à l'étranger notamment sous la pression du coût de l'énergie et de subventions avantageuses, certaines entreprises ne cèdent pas au chant des sirènes. C'est le cas de Pioupiou & Merveilles qui fabrique des peluches depuis 2006 et porte ce nom depuis 2011. Fondé par un ancien employé de Toys R Us, Jérôme Duchemin, la boîte s'apprête à boucler son tout premier exercice de production en France après plus de quinze ans en Chine.
Après un premier essai infructueux de relocalisation du côté de la Rochelle en 2014, c'est dans les premières semaines de 2020 que l'entreprise remet l'idée sur la table. La pandémie la contraint à mettre cette réflexion entre parenthèses mais celle-ci reprend dès le mois de septembre de la même année alors que le coût du transport explose.
"Le prix du conteneur de 40 pieds était passé à 17.000 euros contre un peu plus de 4000 euros avant le Covid, nous explique Jérôme Duchemin. Le rapport de volumétrie n'était plus intéressant sachant qu'on chargeait seulement 1100 peluches par conteneur."
Des volumes d'importation décuplés
Pendant plusieurs mois, le patron retravaille sa chaîne de valeur auprès de son partenaire chinois et d'un autre, français: la société NP Création. Cette dernière fabrique des produits de confort pour le jardin, près de Saumur, à mi-chemin entre Angers et Tours. Jérôme Duchemin parvient entre autres à convaincre l'acteur asiatique de se charger d'une partie minimale de la production et de laisser son homologue hexagonal terminer le processus.
Aujourd'hui, la Chine réalise uniquement "l'enveloppe du produit", ce qui permet d'entasser 10.000 pièces à plat dans les conteneurs. C'est en France que celles-ci sont garnies, mises en forme, fermées avec la machine à coudre avant d'être séchées, soufflés puis mises en carton.
"Même si c'est une relocalisation partielle, une partie significative de la chaîne de valeur se trouve désormais en France et permet d'avoir un prix raisonnable, insiste Jérôme Duchemin. Notre peluche Gaston [un ours beige, NDLR] d'un mètre est vendue 50 euros contre plus du double si elle était complètement produite en France et 80 euros si elle l'était en Chine."
En effet, si le conteneur du prix s'est effondré entre temps, le coût d'achat en Chine s'est énormément apprécié en raison du renforcement du dollar.
Cette opération de relocalisation trouve aussi un intérêt en raison de la forte saisonnalité de l'activité de Pioupiou & Merveilles. En effet, cette dernière s'étale de la fin du printemps à la fin de l'automne avec Noël en ligne de mire, ce qui lui permet de compléter l'activité traditionnelle de NP Création qui débute après les fêtes de fin d'année. "Notre production contre-saisonnière permet de remplir l'agenda industriel et de limiter le surcoût lié à la non-utilisation de l'outil de production, souligne Jérôme Duchemin. C'est d'ailleurs ce facteur qui a causé les fermetures ou les délocalisations de plusieurs sites de fabrication de jouets français."
La complémentarité des deux activités a permis la création d'une dizaine d'emplois sur les cinq chaînes de production. Cependant, un autre défi, aujourd'hui commun à la quasi-totalité des entreprises françaises, se dresse devant Pioupiou & Merveilles: la flambée du prix de l'énergie. Des souffleuses aux trieuses en passant par les lampes qui éclairent les 20.000 mètres carrés cumulés sur les 9 bâtiments, le site du Maine-et-Loire est particulièrement énergivore.
"On n'est pas encore trop impacté sur la partie importation car les Chinois sont habitués au délestage et fonctionnent depuis longtemps avec des générateurs, précise Jérôme Duchemin. En France, on réfléchit à commencer à 8 heures plutôt que 6 heures pour profiter de la lumière du jour."
Une agilité renforcée pour répondre aux commandes
Autre apport non-négligeable d'une production à proximité des clients: la capacité à les approvisionner plus rapidement, notamment pour les commandes de dernière minute que peuvent passer les magasins s'ils anticipent un futur manque pour Noël à partir des ventes de novembre.
"On peut préparer et livrer les commandes en seulement une semaine contre 24 semaines quand ça vient de Chine, indique le patron de Pioupiou & Merveilles. En revanche, je n'ai jamais livré des enseignes aussi tôt que cette année. Certaines l'ont été dès le mois d'août en raison d'expériences un peu traumatisantes pendant la pandémie."
Si le prix, la qualité et la disponibilité restent les facteurs clés auprès des clients, ces derniers sont ainsi de plus en plus sensibles au critère "français". "C'est clairement un succès, on a rencontré notre public et on continue d'élargir notre spectre de distribution, déclare Jérôme Duchemin. On s'est fixé l'objectif de 100.000 pièces fabriqués cette année et on est déjà à 80.000 actuellement. Ca a pratiquement doublé par rapport à la période où tout était produit en Chine, sachant qu'on était déjà bien représenté en magasins à l'époque."