BFM Business
Entreprises

Le BHV "exsangue"? Les syndicats tirent la sonnette d'alarme, la direction évoque une "transformation dure"

placeholder video
Rendez-vous important pour le mythique magasin parisien BHV ce vendredi 13 septembre: les syndicats, qui ont lancé un droit d'alerte sur la situation économique de l'entreprise le 28 mai dernier, attendent de la direction qu'elle leur apporte des réponses.

Rayons et présentoirs qui se vident, corners désertés par les marques… Que se passe-t-il au BHV? En faisant un tour dans les allées du célèbre grand magasin parisien, on s'aperçoit rapidement qu'il ne tourne pas à plein régime. Et les salariés sont les premiers à s'inquiéter. En mai, l'intersyndicale du BHV Marais a lancé un droit d'alerte sur la situation économique de l'entreprise, la CGT évoquant même une trésorerie "exsangue".

Le nouveau patron, Frédéric Merlin, qui a repris le magasin fin 2023 par le biais de sa foncière, la Société des Grands Magasins (SGM), a tenté de rassurer vendredi 13 septembre sur le plateau de BFM Business, évoquant une période de "transformation qui est dure", mais les signaux négatifs s'accumulent. Un comité social et économique (CSE) se tient vendredi, lors du quel l'intersyndicale attend de la direction qu'elle réponde à leurs inquiétudes.

"Le BHV est beau, le BHV est bien achalandé"

Depuis plusieurs semaines déjà, cette intersyndicale assure que plusieurs fournisseurs ont cessé de livrer, faute d'avoir été payés. Et de donner en exemple le stand Madura, entièrement bâché. Une ex-démonstratrice d'une marque de textile nous confirme ainsi que son entreprise n'a pas été payée pendant trois mois, qu'elle a stoppé son réassort et que le BHV lui a demandé si elle acceptait un échéancier de paiements. "Quand on n'a pas de soucis d'argent, déclare-t-elle, on ne propose pas de payer en plusieurs fois."

Comme les syndicats, elle estime que le repreneur a sûrement "eu les yeux plus gros que le ventre".

Sur BFM Business, Frédéric Merlin dénonce une "escalade médiatique" et assure que "le BHV est beau, le BHV est bien achalandé". "En 2024, on a ouvert 34 nouveaux corners et on en a fermé 28. C'est la vie d'un grand magasin", affirme le nouveau patron du magasin parisien iconique.

Le choix du 7.20 : Au BHV, des syndicats très inquiets - 13/09
Le choix du 7.20 : Au BHV, des syndicats très inquiets - 13/09
8:30

Sur la question des retards de paiement, Frédéric Merlin évoque une transition dans le fonctionnement de la comptabilité du BHV. "On dépend encore des Galeries Lafayette pour la comptabilité. Elles payaient avec des délais de 10 à 15 jours. Nous, on assume de voir, pendant 18 mois, si on peut payer avec un délai de 45 jours."

"Il y a 1.500 fournisseurs au BHV, s'il y en a une quinzaine qui pose problème, c'est le bout du monde."

"On investit 12 millions d'euros pour changer tout le système d'encaissement et de comptabilité du BHV pour être autonome. Au départ, on a voulu gérer cette situation depuis le siège de la SGM, à Lyon, mais on a été assailli de demandes. Mea culpa. On a monté une équipe dédiée pour le BHV et depuis je crois que ça va bien mieux", explique le patron du grand magasin.

Pas de quoi rassurer les syndicats qui craignent le début d'une déroute. "Sans fournisseurs, on risque de faire un très mauvais chiffre", s'alarment-ils. L'ex-démonstratrice d'une société de textile assure de son côté qu'"il y a bien plus de fournisseurs que ce que dit la direction" qui ont des problèmes de paiement. "Rien que pour la lingerie, dit-elle, la moitié des maisons ne sont pas payées depuis six mois. Et la librairie, aussi, n'est pas payée depuis longtemps."

La direction soutenue par Anne Hidalgo

Mais Frédéric Merlin ne se cache pas et assume la stratégie mise en place depuis un an pour redresser un BHV en grande difficulté financière. "L'entreprise perd 15 millions d'euros par an depuis des dizaines d'années. Notre enjeu, c'est de rendre le BHV rentable dès la première année", avance-t-il.

"Forcément, avec un délai aussi court, on ne se fait pas que des amis et on ne fait pas tout bien."

Pour ce faire, il a mis en place "une réduction des frais généraux, une baisse du nombre de références, et le non-remplacement des départs à la retraite". Les syndicats affirment qu'il y a eu 200 départs de salariés depuis fin décembre. Interrogés par BFM Business, fin août, ils redoutaient une sorte de plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) déguisé.

Mais Frédéric Merlin de se féliciter de cette stratégie payante, selon lui: "Le 30 juillet 2023, le BHV perdait 11 millions d'euros. Cette année, le 30 juillet, il gagnait 400.000 euros".

"La transformation est dure, le changement, c'est toujours dur. J'assume et je m'excuse auprès des fournisseurs et des collaborateurs pour cette période de transition."
Morning Retail : Quel avenir pour le BHV ? - 26/08
Morning Retail : Quel avenir pour le BHV ? - 26/08
3:12

S'il réitère que l'objectif est d'être à l'équilibre à la fin de l'année, il assure également "qu'il n'y a pas d'urgence économique au BHV: l'entreprise a été recapitalisée à hauteur de 38 millions d'euros donc on a de quoi assumer deux ans et demi de perte". Une stratégie qui semble validée par la mairie de Paris.

"J'ai confiance dans la capacité de SGM et je compte sur Frédéric Merlin", le patron de cette petite foncière, pour "continuer de faire briller" le BHV, assure Anne Hidalgo, citée dans un communiqué de la SGM.

Les syndicats espèrent désormais y voir plus clair sur la situation de l'entreprise à l'occasion de la réunion du CSE programmée ce vendredi. Ils réclament une meilleure communication de leur direction et ils n'ont pas exclu, cet été, de se mettre en grève s'ils n'obtenaient pas de réponse satisfaisante.

Clément Lesaffre avec Pauline Tattevin