Inflation: fragilisés, les brasseurs ne veulent pas renégocier leurs prix

Mercredi, les grands industriels ont accepté de se remettre autour de la table pour envisager des baisses de prix d'ici à la fin du mois de mai. Mais tous n'y sont pas encore prêts. A commencer par les brasseurs qui ne souhaitent pas renégocier leurs tarifs avec la grande distribution à ce stade:
"Chaque entreprise verra en fonction de sa propre politique commerciale. Mais d'une manière générale, il y a un décalage dans le temps. Les contrats d'énergie ont été signés fin 2022. On a eu un décalage avec les négociations qui ont été retardées et donc aujourd'hui on a beaucoup de défaillances de brasseries. Juste un chiffre: entre janvier et mars, on a eu 30 défaillances de brasseries, contre 15 sur toute l'année 2022", a déclaré sur BFM Business Magali Filhue, déléguée générale du syndicat Brasseurs de France.
Dans un communiqué publié mardi, les brasseurs alertaient déjà sur la flambée de leurs coûts de production, du verre à l'énergie, et regrettaient que le gouvernement "jette l'opprobre" sur les industriels en leur demandant de faire des efforts sur les prix.
"Quand on entend qu'on ne jouerait pas le jeu, cela suscite une incompréhension totale de notre part", a réagi Magali Filhue, estimant que le secteur n'a "jamais été confronté à de telles difficultés". Tandis que le prix du verre, des matières premières (orge, houblon) ou encore de l'énergie "restent à des niveaux très élevés" pour les 2500 brasseurs de l'association, comme pour d'autres industriels, Magali Filhue a regretté que le ministre "jette l'opprobre sur l'ensemble de l'agroalimentaire".
Une brasserie sur 10 envisage de fermer ses portes en 2023
Lors des négociations commerciales achevées le 1er mars avec la grande distribution, qui permettent de fixer le prix des produits vendus en rayon pour l'année, près d'un tiers des brasseries membres du syndicat n'ont pas réussi à répercuter la hausse de leurs coûts auprès des supermarchés. Les autres adhérents du syndicat, qui représente la quasi-totalité du secteur, des groupes mondiaux (Kronenbourg, Heineken) aux microbrasseries, ont partiellement réussi à compenser l'inflation, les distributeurs n'étant pas obligés d'accepter les hausses liées à l'énergie ou aux emballages.
Par ailleurs, certaines TPE/PME ont dû revoir leurs contrats avec leurs fournisseurs d'énergie en fin d'année 2022, quand les cours étaient à des niveaux bien supérieurs, et ont ainsi vu leurs coûts "multipliés par quatre", a indiqué Magali Filhue. Selon la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et Brasseurs de France, qui a sondé certains de ses adhérents en avril, une brasserie sur 10 envisagerait de fermer ses portes au cours de l'année 2023.
Après une période d'essor inédite liée au boom des microbrasseries, le secteur brassicole avait déjà été frappé de plein fouet par l'épidémie de Covid-19 et la fermeture de nombreux bars et restaurants. Dans un marché atone, les ventes de bière ont baissé de 3 à 5% en volume au premier trimestre 2023, comparé au premier trimestre de l'année précédente, relève le syndicat.