Spatial: la guerre en Ukraine soulève la question de la souveraineté des programmes européens

Mercredi, le conseil de l'Agence spatiale européenne (ESA) s'est réuni pour analyser l'impact de la guerre en Ukraine sur les programmes spatiaux. L'ensemble de ceux en coopération avec la Russie ont été arrêtés avec la décision de Moscou de faire rentrer de Kourou l'équipe Soyouz. Les conséquences sont nombreuses a expliqué ce jeudi sur BFM Business Géraldine Naja, directrice de la commercialisation, de l'industrialisation et de l'approvisionnement pour l'ESA
"Nous devions lancer en coopération avec la Russie trois missions Lunar. Nous ne le ferons pas mais ce n'est pas si négatif que ça. Nous avons déjà identifié des moyens de faire voler ces expériences sur d'autres missions avec les Américains, mais nous étudions aussi des possibilités avec les agences spatiales japonaise et indienne", a dévoilé Géraldine Naja.
Autre mission à réorganiser: ExoMars. La mission ExoMars prévoyait le lancement d'un rover de l'ESA à destination de la planète Mars, à l'aide d'un lanceur et d'un atterrisseur russes. Initialement prévu en 2020, le lancement d'ExoMars avait été reporté à cause de la pandémie de Covid-19 à septembre 2022. ExoMars doit à nouveau être repoussée.
"Les missions sur Mars ont seulement une fenêtre de tir tous les deux ans. Nous sommes en train d'identifier un lanceur autre qui puisse emmener ExoMars sur Mars. Le plus tôt sera 2026. On ne pourra pas réadapter la mission sur un nouveau lanceur pour 2024", explique Géraldine Naja.
"Faire émerger les licornes de demain"
Ces aléas ont néanmoins des conséquences qualifiées de positives par l'Esa, notamment de resserrer le travail entre les acteurs historiques du spatial et les startups.
"On en a pris conscience. L'investissement dans le spatial se développe énormément, mais plus aux Etats-Unis qu'en Europe. Il faut que nous rattrapions ce retard. Nous avons lancé le démarrage d'un programme de commercialisation qui s'appellera ScaleUp".
Ce programme vise à soutenir la croissance "des petites startups prometteuses", grâce à des services allant de l'incubation à l'accélération et l'accès à des fonds privés. Les jeunes pousses séléctionnées auront aussi accès à l'expertise de l'ESA et à ses moyens d'essai et éventuellement les mises en orbite.
"Ces services visent à faire émerger les licornes de demain", assure Géraldine Naja en précisant qu'il n'y a pas volonté de remplacer les grandes entreprises d'aujourd'hui. "Il a besoin des deux, on ne doit pas opposer le newspace et l'espace traditionnel".
Souveraineté spatiale de l'Europe
La situation en Ukraine et la rupture des relations avec l'agence spatiale russe a aussi réveillé les ambitions européennes en matière de souveraineté, notamment sur l'envoi d'hommes dans l'espace et pour l'exploration de la Lune ou de Mars.
"Ça fait longtemps que nos astronautes volent, mais ils ne vont pas dans l'espace par des moyens européens. Avec la guerre en Ukraine, la souveraineté prend une autre dimension, affirme Géraldine Naja. On regarde l'espace pour la sécurité. On prend conscience que pour certaines technologies critiques, l'Europe ne peut pas dépendre d'autres puissances".
Lors de son conseil, l'ESA a lancé un programme spatial sur la sécurité civile et un autre sur les communications sécurisées. A l'initiative du commissaire européen Thierry Breton, l'Europe compte envoyer plus de 200 satellites sur différentes orbites pour fournir différents services.
