Pourquoi les avions du futur pourraient ressembler à des raies manta

"Un concept disruptif". Voici comment le constructeur Airbus a présenté son concept d'aile volante qui pourrait émerger d'ici 2035. Cet avion dont la forme rappelle celle de la raie manta fait partie des trois projets sur lesquels les ingénieurs du groupe européens planchent pour l'avenir. Présentés ce lundi par le groupe, les différents concepts fonctionneront tous à l'hydrogène, conformément aux attentes du gouvernement.
L'avion du futur ressemblera-t-il aux modèles connus (et largement éprouvés) ou prendra-t-il un chemin plus "disruptif" ?

L'enjeu est de taille puisqu'il donnera le ton pour les décennies qui suivront. Même si elle détonne par rapport aux avions classiques dotés d'un fuselage, l'aile volante est un vieux serpent de mer de l'industrie aérienne. Des aéronefs de cette forme (dont les premiers essais datent du début du 20ème siècle) ont déjà vu le jour même si la plupart sont restés à l'état de prototypes. A la fin des années 40, Northrop tente d'imposer le YB-49, gigantesque bombardier aux allures d'ovni. Après un crash qui coutera la vie cinq membres d'équipages en 1948 et un test de resistance ayant antraîné la destruction d'un autre modèle, deux ans plus tard, le YB-498 est finalement abandonné.
40 ans plus tard, Northrop tente une nouvelle percée avec le B-2 Spirit, un bombardier furtif créé en 1989 et mis en service en 1997. Plus fiables, les 21 exemplaires toujours actifs ont des avantages indéniables: leur forme particulière leur donne un meilleur aérodynamisme et surtout une discrétion optimale puisque les angles aigus permettent d'éviter en partie les radars. Le successeur du B-2, le B-21 Raider reprendra d'ailleurs l'idée de l'aile volante pour une succession prévue en 2050. D'autres prototypes d'ailes volantes existent comme le nEUROn de Dassault.

Mais un tel concept a-t-il un intérêt pour des avions de ligne? Airbus semble y croire et développe des projets ambitieux depuis plusieurs années. En février dernier, le groupe avait d'ailleurs présenté le Maveric, un démonstrateur d’aile volante de 2 mètres sur 3,2 mètres de large. Moins résistant à l'air (de par sa forme aplatie), il peut ainsi "réduire jusqu'à 20% la consommation de carburant par rapport aux avions monocouloirs actuels" assurait à l'époque Airbus. Une innovation majeure alors que le secteur cherche à faire baisser drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.
L'aile volante permet aussi plus de souplesse dans son organisation intérieure :
"Cette architecture permet d'avoir plus de place et donc de volume pour stocker l'hydrogène" commente Jean-Brice Dumont, Head of Engineering de la branche commerciale d'Airbus, lors de la présentation des différents projets, ce lundi.
"Mais aussi plus de liberté pour installer les passagers." Il devient ainsi possible d'organiser différemment les sièges pour éviter les rangées qui imposent une trop grande promiscuité, en cette période Covid-19, entre les passagers.
Des projets multiples
Airbus n'est pas seul à réflechir à l'aile du futur. En juillet, la compagnie KLM et l'Université de technologie de Delft (Pays-Bas) ont fait voler la maquette d'un futur (mais hypothétique) long-courrier. Baptisé Flying-V, cet avion permettrait d'économiser, là encore, 20% de carburant par rapport aux appareils actuels les plus récents.
Ce vol inaugural, bien qu'à l'échelle réduite (la maquette ne dépassait pas les trois mètres), apporte des informations majeures pour un futur appareil commercial. Car si l’aile volante présente de nombreux avantages, elle est réputée plus difficile à manœuvrer, notamment à basse vitesse. D'où l'importance de connaitre précisément le comportement d'un appareil qui sera forcément plus grand que le bombardier B-2 Spirit. Dans cette optique, Airbus s'est d'ailleurs associé au projet néerlandais.

Le grand rival Boeing travaille aussi, avec l'aide la Nasa, sur une aile volante. Le X-48, petit modèle, a effectué plus d'une centaine de vols ces dernières années pour préfigurer l'avion du futur. Reste que Boeing, en grande difficulté financière, a encore de nombreux sujets à régler (à commencer par celui de son controversé 737 MAX) avant de se projeter vers l'avenir.
C'est donc Airbus qui devra répondre, d'ici cinq ans, à la question essentielle : à quoi ressemblera l'avion de demain ?