Pénurie de semi-conducteurs: ces usines automobiles à l'arrêt en France

Elle n'avait plus mis les pieds sur son lieu de travail depuis 3 semaines. Gaëlle Fouré, salariée chez Renault Sandouville, subit les mises à l'arrêt de son usine depuis plusieurs mois.
"La question la plus facile, ce serait 'combien de jours j'ai travaillé' en fait, pas 'combien de jours je n'ai pas travaillé'. On ne sait même pas dire ce qu'on fait demain, on n'a aucune visibilité sur l'avenir", témoigne cette femme, qui subit comme beaucoup de salariés dans l'automobile en France les conséquences de la pénurie de semi-conducteurs.
L'approvisionnement de ces composants électroniques essentiels pour les nombreux équipements dans les voitures est en effet perturbé depuis un peu plus d'un an et le début de reprise économique post-covid.
De nombreuses usines à l'arrêt en France
Plusieurs raisons mais parmi les principales, une interruption des commandes par les grands constructeurs automobiles mondiaux au moment de la fermeture des usines au plus fort de la pandémie de coronavirus, conjuguée à une forte demande pour des produits informatiques comme les processeurs et les cartes graphiques. De quoi anticiper une poursuite de cette situation de pénurie au moins jusqu'en 2023.

Si des équipes dédiées suivent pratiquement heure par heure la question, les constructeurs communiquent peu sur ces fermetures de sites temporaires face au manque de pièces. De sources syndicales chez Renault, quatre usines ont dû interrompre leur production partiellement cette semaine du 1er novembre: un jour à Douai, deux jours à Maubeuge, un jour à Bâtilly, un jour à Sandouville. La semaine prochaine, on sait déjà que le site de Douai chômera aussi un journée.
Du côté des sites de Stellantis (ex-PSA), même constat. Si selon la communication du groupe, aucune usine n'était fermée cette semaine en France à cause de la pénurie, les "stop&go" s'enchaînent depuis le début de l'année. L'usine de Rennes a par exemple été fermée quelques jours en octobre après avoir connu de nombreuses fermetures temporaires les mois précédents. Les pertes de salaires des employés peuvent atteindre 500 euros sur la fiche de paye, résumait en fin de semaine dernière une porte-parole de la CFDT.
A l'usine Stellantis de Sochaux, conséquence de cette situation, l'équipe de nuit a été supprimée et avec elle, de nombreuses opportunités de travail.
"Avant covid, on était 2200 intérimaires et aujourd'hui on est à 40 intérimaires, ce n'est pas normal. Sans eux, on ne tourne pas, sans eux il n'y a pas de bagnoles qui sortent", résume Jérôme Broussard, secrétaire général CGT.
Au niveau mondial, la perte de production (c'est à dire le nombre de véhicules non-produits en raison de cette pénurie) pour l'ensemble des constructeurs s'approcherait des 8 millions d'unités en 2021. Elle a été estimée à 600.000 unités par Stellantis au troisième trimestre dernier. Renault a évoqué de son côté le chiffre de 500.000 unités pour l'ensemble de l'année.
Une production encore bien inférieure à 2019
En France, les chiffres fournis par le cabinet Inovev permettent d'avoir un aperçu de la situation depuis le début de l'année. Après la forte baisse de la production automobile de véhicules légers (véhicules particuliers et utilitaires) de 41% enregistrée l'an dernier, sur fond de covid et de début de pénurie, la production ne se redressera que de 15% cette année d'après ses prévisions. Mais, par rapport aux plus de 2,1 millions d'unités produites en 2019, la production devrait s'établir en baisse de 31% cette année.
Avec de fortes disparités selon les constructeurs: toujours d'après les prévisions d'Inovev, la production de Renault-Nissan devrait s'afficher en baisse de 6% par rapport à l'an dernier, alors que celle de Stellantis devait progresser de 26% et celle de Toyota, avec son site d'Onnaing près de Valenciennes, en hausse de 31%.
Mais en comparant à 2019, dernière année "normale" avant la crise, le groupe japonais serait en fait le seul à afficher une production en hausse cette année, profitant notamment du lancement de la Yaris Cross.