TOUT COMPRENDRE – Pourquoi la pénurie des puces électroniques est-elle devenue un enjeu mondial?

Une pénurie de composants électroniques touche l'industrie automobile. - Thomas Leroy
Depuis plusieurs semaines, la pénurie de semi-conducteurs s'empare de tous les secteurs de l'industrie. Du jeu vidéo à la voiture, les chaînes de production doivent s'arrêter, faute de composants. Et ce début de crise prend une tournure inquiétante.
A quoi servent les semi-conducteurs?
Ce sont des outils à la base de toute l'informatique moderne. Autant dire que ces puces électroniques gouvernent notre monde puisqu'elles se retrouvent dans les smartphones, les véhicules, les machines à laver… Les nouvelles consoles Playstation 5 et Xbox Series sont en rupture de stock? La faute à la pénurie de puces. Le Peugeot 3008 qui peine à sortir des usines de Sochaux? La faute à la pénurie.
Quand a commencé cette pénurie?
Il faut revenir aux prémices de la crise sanitaire, au printemps dernier. Les confinements mis en place dans de nombreux pays ont d'abord provoqué une explosion des ventes de matériel informatique: ordinateur, imprimante, webcam… Tout ce qu'il faut pour effectuer son télétravail ou pour faire l'école à la maison. Et la demande n'a pas faibli durant l'année. Par exemple, les ventes de PC ont ainsi enregistré leur meilleure croissance en 10 ans avec près de 300 millions d'unités vendues, soit une hausse d'environ 10% par rapport à 2019.
Pourquoi l'industrie automobile est-elle touchée près d'un an après?
La plupart des grands constructeurs automobiles ont annoncé, ces dernières semaines, l'arrêt temporaire de plusieurs chaînes de production. C'est le cas de Renault, Ford, Volkswagen ou encore Stellantis (nouveau groupe issu de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler). En réalité, la production s'est interrompue lors du premier confinement avant de repartir à l'été.
Boosté par les différentes incitations publiques, le secteur s'est redressé et a affiché d'excellentes ventes. Mais pour répondre à la demande, le monde de l'automobile s'est donc précipité sur les semi-conducteurs. Problème: les producteurs de puces tournaient déjà à plein régime pour répondre aux demandes ininterrompues dans l'informatique. En clair, l'automobile n'était pas une priorité et la pénurie frappe désormais les constructeurs. Surtout, les véhicules sont désormais composés d'une multitude de puces. Une seule vous manque et toute l'industrie est dépeuplée…
Après l'automobile, la pénurie va-t-elle s'étendre aux autres secteurs?
C'est la crainte de beaucoup d'observateurs. Sony a d'ores et déjà prévenu que la rupture de stock de sa Playstation 5 pourrait s'étendre jusqu'à Noël, soit plus d'un an après son lancement. De son côté, Apple observe déjà un ralentissement de ses ventes de certains iPhones. L'émergence de la 5G et le déploiement toujours plus massif des objets connectés devraient encore soutenir la demande. Au-delà de la frustration des clients, ce sont des dizaines voire des centaines de milliards de dollars qui pourraient être perdus au niveau mondial si la pénurie perdure.
Peut-on augmenter la production de puces électroniques?
La crise sanitaire a démontré la dépendance du monde entier à certains pays pour les masques ou les médicaments. Même constat pour les puces électroniques. Le principal fournisseur de ces composants, TSMC, est à Taïwan. Il fabrique notamment les puces graphiques de Nvidia ou celle du géant Qualcomm. Evidemment, ses usines tournent à plein régime. Même chose en Corée du Sud (deuxième producteur mondial) qui où les fabricants équipent déjà les géants locaux, à commencer par Samsung.
Reste encore le cas chinois où la géopolitique s'en est mêlée. L'aversion de l'administration Trump envers Pékin a entraîné la mise sur liste noire de SMIC, un des principaux fabricants du pays, reportant la demande américaine sur Taïwan… Les attaques américaines contre un autre géant chinois, Huawei, ont aussi incité le fabricant de smartphones à stocker l'équivalent de deux ans de réserves de puces, en mai dernier.
L'Europe produit-elle des puces?
L'Europe dispose de quelques champions comme le franco-italien STMicroelectronics ou l'allemand Infineon.
On investit, promet Jean-Marc Chéry, président du directoire et directeur général de STMicroelectronics sur BFM Business. Nous allons encore investir deux milliards de dollars mais cela va demander encore six mois."
Reste que l'Europe produit moins de 10% des puces dans le monde, contre 44% en 1990. "Nous sommes en train de discuter avec la Commission européenne pour remettre de l'argent dans cette filière", assurait de son côté ce mercredi la ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher sur BFM Business. Ce jeudi, Bercy a annoncé une collaboration entre les secteurs de l'automobile et de l'électronique, dont STMicroelectronics, afin d'aider