Michelin, entre sobriété énergétique et développement durable

Pas question pour Florent Menegaux le président de Michelin, de connaître le cauchemar de ses prédécesseurs: une Europe submergée par les pneus asiatiques à bas coût. Echaudé, Michelin s'est adapté. Le groupe s'est spécialisé depuis maintenant plusieurs années dans le pneu premium. Le "4 saisons" par exemple ou encore, relais de croissance par excellence, les pneus pour les véhicules électriques, les avions, les camions ou encore ces gigantesques engins de chantier qui déambulent au cœur des mines ou des carrières de marbre.
Pour symboliser cette stratégie, Michelin a entrouvert les portes de son usine italienne de Cunéo, au sud-ouest de Turin. Un complexe d'un million de mètres carrés. Là-bas, Michelin est à la maison depuis les années 60. Chaque année, 13 millions de pneus sortent des lignes de production. Cuéno est une vitrine technologique pour le groupe à plus forte raison en cette période de crise énergétique.
"Pneus mollet"
Un des postes de coût le plus important pour Michelin c'est la cuisson des pneus. Ils nécessitent des fours à vapeur. Une vapeur produite par des chaudières... à gaz. Une gageure en cette période de pénurie. Cela représente 33% de la consommation énergétique d'une usine. Depuis plusieurs années le groupe planche sur le sujet et développe des fours électriques moins énergivores. Un véritable défi car la cuisson des "pneus crus" est particulièrement complexe. Elle doit être parfaitement homogène pour que la vulcanisation s'opère dans les meilleures conditions. Il s'agit d'éviter "l'effet grille-pain" du four électrique.
"Un pneu, c'est 8 minutes de cuisson", au-dessus c'est trop cuit en dessous, "vous avez un pneu mollet", s'amuse Florent Menegaux.
Ces fours électriques arrivent très progressivement. A Cuneo, on en dénombre 36 sur un total de 399. Objectif: remplacer 70% du parc mondial des presses de cuisson d'ici à 2050. Une technologie qui se répand progressivement dans les autres usines du groupe: Pologne, Hongrie, Allemagne, Chine ou encore Mexique.
La recette du succès
L'autre chantier -de taille- , c'est le verdissement des pneus. Un pneu, explique Florent Ménégaux, c'est plus de 200 composants: de la silice, du métal, du noir de carbone, du caoutchouc naturel et synthétique, du soufre, du textile, des huiles et des résines... Aujourd'hui explique le président de Michelin, les pneus sont composés de 28% d'éléments durables et de 72% d'éléments fossiles. L'objectif est d'aller vers le 100% durable.
Il s'agit donc, progressivement, de remplacer, presque un à un, tous ces éléments par des substituts plus vertueux sur le plan environnemental ou s'assurer qu'il sont produits ou extraits de manière durable ou alors recyclés. Un chantier titanesque mais dont le pneumaticien entrevoit les premiers résultats .
En Italie, Michelin a présenté pour la première fois deux pneus composés respectivement de 45% et 58% de matériaux durables. Certes des prototypes, mais ils ont été homologués ce qui signifie qu'ils peuvent être chaussés sur une voiture ou un autocar. Des pneus, assure Florent Ménégaux qui conservent les mêmes performances que les pneus classiques et tout particulièrement une faible "résistance au roulement". C'est bien là l'élément fondamental, car conclut Florent Menegaux, 20% de la consommation d'un véhicule électrique est directement lié a son pneu.