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La plus grande usine de production d'aimants en terres rares d'Europe a ouvert en Estonie: elle doit permettre de s'affranchir du quasi-monopole de la Chine dans ce secteur

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L'implantation d'une usine de fabrication d'aimants en terres rares en Estonie contribue à développer les capacités industrielles européennes en matière d'exploitation, afin de s'affranchir de la mainmise chinoise sur ce secteur.

Elle est située à Narva, au Nord-Est de l'Estonie, à la frontière avec la Russie: la plus grande usine de production d'aimants en terres rares a été inaugurée en septembre, mais elle fonctionne depuis quelques mois déjà. Appartenant à l'industriel canadien Neo Performance Materials et bénéficiant d'un soutien financier de l'Union européenne d'un montant de 14,5 millions d'euros, l'usine va principalement produire des aimants qui serviront dans la fabrication des voitures électriques et des éoliennes.

NPM vise la production de 2.000 tonnes par an dans un premier temps, avec l'objectif d'atteindre 5.000 tonnes annuelles dans la phase suivante. Le concepteur de produits magnétiques à base de terres rares pour les moteurs de véhicules électriques et hybrides indique vouloir s'affranchir des terres rares chinoises pour sécuriser sa chaîne d'approvisionnement.

Selon le Financial Times, qui cite le patron de Neo, s'affranchir complètement des sources chinoises est impossible mais il serait envisageable de produire 30% des aimants hors de Chine. Les matières premières utilisées pour la fabrication des aimants proviendraient notamment de fournisseurs australiens et malaisiens.

Autonomie européenne

Mais surtout, cette usine symbolise la volonté européenne de s'affranchir de sa dépendance vis-à-vis de la Chine, qui dispose d'un quasi-monopole sur le marché et concentre 44 millions de tonnes des réserves mondiales de terres rares (sur environ 110 millions de tonnes au total). Selon les données du Grand Continent citant l'Agence internationale de l'énergie, la Chine comptabilise 60% du minage des terres rares, 91% du raffinage et 94% de la fabrication d'aimants.

Un puissant levier de négociation dans les discussions commerciales, notamment avec les États-Unis et l'Union européenne, alors que la consommation de terres rares devrait augmenter d'environ 8% par an, en raison de la hausse de la production de voitures électriques et hybrides et d'éoliennes, indique le CNRS. L'UE cherche à renforcer son autonomie, un objectif ambitieux de la stratégie de sécurisation des chaînes d'approvisionnement en matériaux critiques – le Raw Material Act, adopté en 2023.

L'éco du monde : "Les menaces tarifaires font-elles le poids face au monopole chinois sur les terres rares ?" – 13/10
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Pression chinoise

Ces derniers mois, la Chine a renforcé les restrictions d'exportation. Elle a mis en œuvre des licences pour certaines exportations dès le mois d'avril et a renforcé ces mesures début octobre, en instaurant de nouveaux contrôles, cette fois-ci sur l'exportation de technologies liées à l'extraction et à la production. Face à ces contraintes, l'UE, par la voix du Commissaire européen au Commerce Maros Sefcovic, annonce vouloir lancer une "réponse coordonnée" avec les pays partenaires du G7.

"Les contrôles injustifiés par la Chine sur les exportations de terres rares constituent une préoccupation majeure. (…) Nous devons également accélérer nos efforts pour réduire au minimum notre dépendance", a déclaré Maros Sefcovic sur X.

Dans les nouvelles règles imposées par Pékin, tout équipement contenant 0,1% de terres rares chinoises nécessitera une autorisation d'exportation et les demandes concernant la défense feront l'objet d'un refus systématique. Un véritable casse-tête.

Les 17 éléments métalliques qui constituent la catégorie des terres rares sont aujourd'hui au cœur des enjeux industriels, devenues, selon le Bureau de recherches géologiques et minières, "une denrée économique et même géopolitique". Nécessaires dans un grand nombre d'industries – de l'automobile à la défense, en passant par les éoliennes et les smartphones – les terres rares sont présentes "partout sur Terre", indique le CNRS, mais "en très faible quantité". En Europe, un gisement stratégique a été découvert en 2023 en Suède et des travaux sont en cours pour en lancer l'extraction et l'exploitation. Une ressource supplémentaire pour s'affranchir des sources chinoises.

Helen Chachaty