Glyphosate: le mariage de Monsanto avec Bayer peut-il compliquer les actions en justice?

Dewayne Johnson doit recevoir 290 millions de dollars de la part de Monsanto - JOSH EDELSON / POOL / AFP
Après la condamnation de Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommages aux États-Unis pour ne pas avoir informé de la dangerosité du Roundup, une théorie inquiète les victimes présumées de son célèbre herbicide et les associations environnementales: le groupe Monsanto peut-il échapper à la justice et aux milliers de plaintes dont il fait l’objet du fait de son rachat par Bayer?
Il faut dire que le rachat du groupe nord-américain par le géant allemand en juin dernier pour 63 milliards de dollars a fait naître de nombreuses craintes, le géant pharmaceutique ayant d’ores et déjà annoncé que le nom "Monsanto", tout comme la personnalité juridique, seraient amenés à disparaître. La faute à une marque qui souffre d’une réputation déjà bien abîmée.
Une stratégie pour effacer les poursuites?
Dans ces conditions, qu'adviendra-t-il des plaintes déposées contre Monsanto après son absorption par Bayer? Auprès de France info, Marie-Monique Robin, journaliste et auteure du documentaire Le Monde selon Monsanto, s’interroge sur une possible stratégie visant à échapper aux poursuites:
"Moi la question que je me pose c'est: est-ce que Bayer n'a pas organisé avec Monsanto la disparition juridique de Monsanto ou son insolvabilité comme cela a été le cas pour d'autres produits de Monsanto ? […] Mais est-ce qu'ils vont payer? Est-ce qu'ils n'ont pas organisé avec Bayer l'insolvabilité de Monsanto qui fera que les victimes seront en face d'une coquille vide qui ne sera pas en mesure de payer?"
Dans la même logique, certains s’interrogent sur les termes du contrat de rachat qui pourrait contenir une clause permettant à Bayer de ne pas récupérer pas le passif de Monsanto.
Bayer veut assumer les procès
Il est néanmoins difficile de croire que le groupe d’agrochimie puisse s’en tirer à si bon compte. En effet, organiser l’insolvabilité d’une entreprise est illégal. Par ailleurs, dans la mesure où il s’agit d’une fusion, Bayer est vraisemblablement contraint d'absorber les actifs et les passifs de Monsanto. Auquel cas le groupe allemand peut être tenu pour responsable au civil et donc obligé de régler d’éventuels dédommagements.
"En revanche, en termes de responsabilité pénale, le rachat de Monsanto par Bayer peut poser un vrai problème […]", précise à Libération Me. François Lafforgue, avocat de Paul François, céréalier charentais en procès contre Monsanto.
Bayer s’est d'ailleurs dit prêt à assumer les futurs procès. Le groupe a rappelé ce week-end, après l’annonce de la condamnation de Monsanto à payer 290 millions de dollars, que "sur la base de preuves scientifiques, d’évaluations réglementaires à l’échelle mondiale et de décennies d’expérience pratique de l’utilisation du glyphosate, […] le glyphosate est sûr et non cancérogène". De son côté, l’entreprise de Saint-Louis a annoncé qu’elle allait faire appel de la décision prononcée par un tribunal de San Francisco.
"Risques supplémentaires"
Bayer était conscient des risques qu’il prenait en absorbant Monsanto. Lors de l’assemblée générale en mai dernier, certains actionnaires avaient déjà fait part de leur crainte de voir leur entreprise associée au fabricant du Roundup. En outre, le rapport annuel 2017 du groupe allemand pointait "les risques supplémentaires", notamment juridiques, qui pourraient découler de cette fusion.
Alors qu'il avait déjà mis de côté au 31 mars dernier 884 millions d'euros pour ses propres procédures concernant plusieurs médicaments phares, Bayer n'a pas voulu préciser dans l'immédiat s'il avait commencé à provisionner pour affronter les ennuis judiciaires de Monsanto, qui pourraient facilement lui coûter, selon les analystes, 10 milliards de dollars, en intégrant de possibles accords à l'amiable avec un grand nombre de requérants. Il a néanmoins promis de se montrer, à l’avenir, plus transparent que l’agrochimiste américain.