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Faut-il craindre une pénurie de sable?

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Matière première indispensable pour le béton, le verre ou les composants électroniques, le sable fait face à une demande toujours plus importante. Dans certains pays, les premières tensions en approvisionnement apparaissent. D'autant que tous les sables ne se valent pas…   

Plantée au milieu du désert d'Arabie, la plus haute tour du monde a pourtant des accents franchement lointains: du haut de ses 828 mètres, le Burj Khalifa de Dubaï est en réalité "made in Australia". C'est un comble pour un gratte-ciel entouré de sable mais celui utilisé pour la construction a traversé 10.000 kilomètres avant d'être aggloméré pour produire du béton. Un caprice émirati? Non, une réalité industrielle. Si le sable est omniprésent sur terre et dans la mer, il est désormais une denrée précieuse. 

Car tous les sables ne se valent pas. Celui des déserts ne trouve, en réalité, pas de réels débouchés industriels. Trop fins, trop lisses… le vent rend ses grains inutilisables pour la construction. Une tour construite avec les dunes du Sahara aurait finalement la solidité d'un château de sable. 

La plus grande tour du monde Burj Khalifa, à Dubaï, le 5 juin 2020
La plus grande tour du monde Burj Khalifa, à Dubaï, le 5 juin 2020 © Karim SAHIB © 2019 AFP

Rivières, mer, carrières

Celui qu'il faut exploiter, c'est le sable des rivières, de la mer et des carrières. Et c'est bien ce sable qui pourrait finir à manquer dans les prochaines décennies. Après l'air et l'eau, le sable est le troisième matériau le plus utilisé au monde.

Il affole les chiffres: 50 milliards de tonnes sont extraites chaque année, soit en moyenne 18 kg par personne et par jour. "De quoi construire un mur de 30 mètres de haut et 30 mètres de large, tout autour du globe" résume, dans une vidéo de l'ONU, Pascal Peduzzi, directeur scientifique du programme des Nations Unies pour l’environnement.  

Pour le béton, il est massivement utilisé par la Chine dans son expansion urbanistique. Ces dernières années, le pays a consommé 60% du sable utilisé pour la construction. Et cette consommation effrénée n'est pas sans effets. Sur le plan écologique, son extraction peut polluer des sols, défigurer des rivières, abîmer des récifs coralliens.   

Sur le plan économique, cette appétence pour le sable entraîne surtout des premières tensions en matière d'approvisionnement comme au Vietnam, en Chine, au Cambodge ou encore au Kenya. 

Les fioles en première ligne

Aux Etats-Unis, le sable est utilisé pour la fracturation hydraulique, qui permet l'exploitation du gaz de schiste. Avant la crise, la pénurie de sable était une des inquiétudes des compagnies, comme Halliburton, un des géants mondiaux du secteur. Et si le Covid-19 a entraîné la fermeture de nombreux puits, le besoin en verre a pris le relai notamment pour la fabrication des flacons de vaccins. 

En parallèle, le sable est aussi un allié de choix face au changement climatique. Digues et polders se construisent partout où l'eau monte. Pour Singapour, le sable est aussi un instrument d'expansion territoriale. Depuis 1965, la cité-Etat a gagné 25% de superficie en plus. Pour fournir la matière première, les pays voisins, dont l'Indonésie, ont fait disparaître des îles entières.  

Mais, il faut encore affiner la nature du sable: obtenir une vitre demande des grains de meilleure qualité que ceux utilisés pour la construction. Même chose pour la silice qu'on retrouve dans les composants électroniques.  

Journalistes et passants observent l'opération de retrait d'un bloc de béton qui fermait la frontière entre France et Suisse, le 14 juin 2020 à Thonex, en France
Journalistes et passants observent l'opération de retrait d'un bloc de béton qui fermait la frontière entre France et Suisse, le 14 juin 2020 à Thonex, en France © Fabrice COFFRINI © 2019 AFP

En réalité, une vaste pénurie de sable n'est pas encore à l'ordre du jour. Les quantités de sable sont importantes mais l'ONU alerte régulièrement sur la question pour éviter une surchauffe du secteur. 

D'autant que des alternatives commencent à émerger. Sciure de bois, cendres d’incinération… Une équipe britannique a même réussi à utiliser le sable du Sahara pour réaliser un composite solide. Mais pourquoi payer une coûteuse transformation quand le sable est gratuit? C'est une des clés des prochaines décennies.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business