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Emmanuel Macron appelle à un "réveil européen" face à l'Inflation Reduction Act américain

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Le président de la République s'est exprimé à l'issue d'une réunion avec les représentants des 50 sites industriels emettant le plus de gaz à effet de serre en France. Il souhaite "bâtir un cadre de référence" pour réduire ces émissions mais sans nuire à la compétitivité française et européenne et dénonce notamment le récent dispositif américain.

"Je pense que ce n'est pas conforme aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et que ce n'est pas conforme à l'amitié." Après sa réunion avec les représentants des 50 sites industriels emettant le plus de gaz à effet de serre en France, Emmanuel Macron a fustigé l'Inflation Reduction Act. Voté cet été aux Etats-Unis, le texte vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et prévoit d'allouer une partie de son enveloppe de 370 milliards de dollars sous la forme de subventions qui encourageront l'implantation d'acteurs de l'industrie durable.

Un dispositif qui vient accentuer le choc de compétitivité venu de l'autre côté de l'Atlantique où les Etats-Unis produisent déjà un gaz à bas coût qu'ils revendent à prix fort à l'Europe. Pour le chef de l'Etat, ce dispositif exclut l'UE du marché et nécessite un "réveil européen".

"L'Europe ne peut pas être le seul endroit du monde où il n'y a pas de Buy European Act, a insisté Emmanuel Macron qui souhaite un débat politique et industriel profond à l'échelle européennes et internationales. Nous allons nous battre pour avoir des investissements massifs et plus vite et éviter tous les biais de compétitivité qui pourraient naître de notre stratégie."

Climat, industrialisation et souveraineté

Cette stratégie qu'évoque le président de la République repose sur trois objectifs qui doivent guider la construction d'un "cadre de référence" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il y a d'abord l'enjeu climatique symbolisé par les deux objectifs de réduction de 55% des émissions de GES avant 2030 et de neutralité carbone à l'horizon 2050.

"Nous avons une crédibilité car nous sommes allés deux fois plus vite sur les 5 dernières années par rapport aux cinq années d'avant et en tant qu'Européens nous avons réduit de 35% nos émissions sur les 40 années qui viennent de s'écouler là où les Américains ont fait -7%, a-t-il souligné. Maintenant, il nous faut faire deux fois mieux dans les cinq années à venir pour tenir nos engagements."

Le deuxième volet porte sur l'industralisation qui doit permettre de créer richesses et emplois dont dépendent les investissements en faveur du climat et pour maintenir un modèle social "généreux". "Nous avons mis fin à plus de 12 ans de désindustrialisation avec des réformes, des choix d’attractivité", a rappelé le chef de l'Etat citant la réduction des impôts sur les sociétés, la flat tax, la réforme de l'apprentissage ou encore l'enveloppe de 35 milliards de France Relance à destination du secteur secondaire. Emmanuel Macron veut ainsi conserver ce cap pour s'approcher du plein-emploi et notamment atteindre le seuil des 5% de chômage dans l'Hexagone.

Enfin, le président de la République a mis l'accent sur le besoin de souveraineté alors que l'Europe est confrontée à des difficultés d'approvisionnement, de semi-conducteurs à la sortie du Covid et aujourd'hui d'énergie. Selon lui, la solution réside entre autres dans la diversification maximale de ces dépendances, comme sur les matériaux rares, et sur la relocalisation du plus grand nombre possible de chaînes de valeur à l'image des batteries, de l'hydrogène ou des semi-conducteurs.

"On ne sera jamais une nation autarcique mais nous avons accepté trop de dépendance, a-t-il déploré. Si on veut garder de la sécurité d’approvisionnement sur les chaines de valeur et la compétitivité coût, on a besoin d’une approche en matière de souveraineté à l’échelle européenne."

Le choc de compétitivité n'est pas la seule urgence

Comme exemple de réponse à ces trois objectifs, Emmanuel Macron a mentionné la stratégie automobile qui consiste à poursuivre la transition énergétique tout en produisant davantage de véhicules hybrides et électriques sur le sol français. "On fait une erreur en négligeant un des trois objectifs", a-t-il martelé.

Cependant, deux urgences qui doivent être traitées à court terme conditionnent la décarbonation de l'industrie française. D'une part, le choc de compétitivité évoqué plus haut et d'autre part, la problématique énergétique. "Nous avons un sujet de sécurisation énergétique", a-t-il résumé, rappelant les objectifs de l'UE pour réduire les coûts du gaz et déconnecter les prix de l'électricité de ceux-ci. Concernant cette réforme structurelle, la Commission européenne devrait ainsi soumettre une proposition au début de l'année 2023 pour une entrée en vigueur du dispositif au second semestre.

"Si on arrive à faire baisser durablement les prix, on aura d’autant moins besoin d’aider mais on a quand même besoin d’aide à court terme."

Au niveau national, l'enjeu est de sécuriser les capacités tout en donnant de la visibilité aux différents acteurs accompagnés, des TPE aux ETI et grands groupes en passant par les PME et collectivités.

Timothée Talbi