Emirates rêve d'un A380 de nouvelle génération

Le patron de la compagnie aérienne basée à Dubaï, qui continue à faire voler le gros porteur d'Airbus, estime qu'il y a de la place pour un appareil aussi grand que l'A380 mais plus léger et avec de nouveaux moteurs.

A la faveur de la forte reprise du trafic aérien mondial, l'A380 d'Airbus fait de la résistance alors qu'on le pensait sacrifié sur l'autel de la rentabilité.

Certaines compagnies continuent en effet à exploiter le plus gros avion du monde à l'image de British Airways, ANA, Qantas ou encore la Lufthansa qui a annoncé vouloir le remettre en service à partir de l'été 2023.

Mais c'est surtout Emirates qui continue à fortement s'appuyer sur le superjumbo pour ses liaisons transcontinentales grâce à un modèle économique unique et de lourds investissements dans les aménagements notamment avec une classe Economie Premium. Elle possède 119 appareils de ce type et en fait voler actuellement 74 avec succès.

Fuselage composite et Open Fan

Et alors que le secteur aérien se concentre désormais sur des appareils plus petits (mono-couloir) et plus sobres en kérosène, Emirates rêve lui d'un A380 de nouvelle génération pour remplacer sa flotte, aussi grand en capacité (de 500 à 600 sièges environ) mais plus léger donc moins coûteux pour ses opérations.

Dans un entretien à CNN Travel, son patron Tim Clark explique que les besoins justifient ce nouvel appareil en s'appuyant sur les prévisions de croissance du trafic passager de 4,5% par an à partir de cette année.

"Est-il possible de reconcevoir un nouvel A380? Oui. Est-il possible d’alléger l’avion? Oui. Imaginez une aile composite et un fuselage majoritairement composite. Imaginez des moteurs qui vous apportent 20 à 25% de mieux par rapport à ce que vous avez aujourd’hui. Vous obtenez un avion plus léger, beaucoup plus économe en carburant, qui coche toutes les cases des questions environnementales".

Concernant les moteurs, il souligne qu'il y a "des études très intéressantes" en cours mais il ajoute que la plupart des recherches des 20 dernières années se sont concentrées sur les avions à fuselage étroit. Un moteur Open Fan (à "ventilateur ouvert") est l'un des nouveaux types de moteurs les plus prometteurs et pourrait en effet réduire la consommation de carburant et les émissions jusqu'à 20%.

Les avionneurs frileux

Problème; s'il sera testé sur un A380, il n'est pas destiné à remplacer les moteurs des A380 actuellement exploités. De nouveaux avions devront être conçus pour s'adapter à ces moteurs.

Et c'est là que le bât blesse. Le dirigeant déplore le fait que ni Airbus ni Boeing ne prévoient de construire un nouvel avion de la taille de l'A380. Actuellement, les plus gros appareils proposés par Airbus et Boeing sont les A350-1000 et le prochain 777-9, qui peuvent tous deux accueillir un peu plus de 400 personnes dans une configuration standard. Cependant, les livraisons de ces avions ont été retardées et Tim Clark pense qu'ils sont trop petits pour remplacer l'A380.

Pour autant, Airbus a clairement fait savoir qu'il ne se lancerait pas dans une version "Neo" de l'A380 s'il n'y a qu'Emirates qui le réclame. Et pour le moment, les grandes compagnies aériennes ne partagent pas les rêves de Tim Clark. Le dirigeant en a d'ailleurs conscience.

"Est-ce que je pense que les compagnies aériennes vont se mobiliser et adhérer à ce projet ? Douteux à ce stade", regrette-t-il. "D'un côté, j'ai très envie d'y jeter un coup d'œil sérieux, de l'autre, je ne suis pas optimiste sur le fait que les parties prenantes de l'écosystème sont prêtes à le faire".

Le modèle particulier d'Emirates

"Maintenant, les choses commencent à aller beaucoup mieux (pour le secteur, NDLR), la demande est de retour. Le secteur a donc la capacité de réfléchir sérieusement à l'avenir. Est-ce qu'ils ont l'appétit pour ça, je ne sais pas. Je sais que nous l'avons." poursuit-il.

Les spécialistes doutent également d'un besoin pour un appareil de ce type, sauf pour le modèle économique particulier d'Emirates.

"Il y a certainement de la place pour un Boeing 747 de remplacement, mais je ne pense pas qu'il y ait suffisamment de demande pour lancer un programme pour un avion plus gros que l'A380. Un très gros avion est la clé du modèle économique d'Emirates, car 70% de leurs passagers se connectent à d'autres vols, mais je ne pense pas qu'Airbus ou Boeing en construiront un juste pour eux", explique ainsi Geoff Van Klaveren, analyste en aviation et directeur général du cabinet indépendant de conseil en aviation IBA.

Rappelons que Airbus a décidé d'arrêter sa production en 2019. En 2020, plusieurs grandes compagnies aériennes comme Air France, Lufthansa ou Thai Airways avaient annoncé leur intention d'abandonner l'exploitation de leurs gros porteurs comme le mythique A380. Déjà sur la sellette pour leurs coûts d'exploitation, le sort de ces énormes quadrimoteurs a été scellé par la crise sanitaire qui a paralysé le transport aérien. Leur capacité hors normes était devenue un handicap, notamment en termes de rentabilité.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business