Ce qui attend Carlos Ghosn lors de son audience au tribunal de Tokyo

Des policiers japonais devant le centre pénitentiaire de Kasuge, à Tokyo, où est détenu Carlos Ghosn depuis le 19 novembre dernier. - Kazuhiro NOGI / AFP
Enfermé à l'abri des regards depuis le 19 novembre dernier, Carlos Ghosn aura l'occasion de se défendre publiquement pour la première fois ce mardi. Celui qui est toujours le PDG de Renault, mais a été démis de ses fonctions chez Nissan et Mitsubishi depuis son arrestation, va être entendu par un tribunal de Tokyo. L'audience doit démarrer à 10h30 au Japon (2h30 du matin en France).
"Aucune chance" de libération à court terme
Comme l'explique son fils, Anthony, dans une interview au JDD, Carlos Ghosn n'aura que 10 minutes pour s'exprimer et "va demander au juge pourquoi il est maintenu en prison".
"Je pense que tout le monde sera assez surpris en entendant sa version de l'histoire", poursuit le jeune homme de 24 ans qui donne également des détails sur le déroulé de cette audience.
Carlos Ghosn se présentera menotté. L'audience ne sera pas filmée mais des journalistes y assisteront. Ils seront tirés au sort, précise le correspondant des Echos au Japon. Des dessinateurs de presse doivent aussi êtes présents.
"Le tribunal doit donner des informations, c'est un dialogue entre l'avocat et le juge, mais le procureur n'est pas forcé d'être présent, c'est à sa discrétion. En général il l'est. Le juge lui demande parfois son avis, mais pas forcément", explique à l'AFP l'avocat Yasuyuki Takai, ex-enquêteur de l'unité qui a arrêté Carlos Ghosn.
"Cette audience n'a aucun effet sur la suite de la procédure", estime-t-il, et il n'y a "aucune chance que soit décidée demain une libération de Carlos Ghosn", même si d'un point de vue légal cette possibilité existe.
Une possible libération vendredi
La troisième garde à vue de Carlos Ghosn s'achève ce vendredi. Il pourra être libéré s'il n'y a pas de nouvelle garde à vue enclenchée. "En pratique, il est extrêmement rare d'atteindre quatre gardes à vue successives", note l'AFP.
Il faudra aussi que son avocat dépose une demande de libération sous caution et que le tribunal l'accepte. Elle sera à coup sûr contestée par le procureur, mais le juge a le dernier mot. C'est ce qui a permis au bras droit de Carlos Ghosn, Greg Kelly, d'être libéré sous caution le 25 décembre dernier.
Une éventuelle libération sous caution du PDG de Renault serait sans doute assortie de conditions restrictives. Depuis sa sortie du centre de détention, Greg Kelly n'a par exemple pas le droit de quitter le Japon ni d'entrer en contact avec des protagonistes de l'affaire.
Défendre son innocence
Dans son interview, Anthony Ghosn est aussi revenu sur les conditions de détention de son père:
"Il résiste, même s’il a perdu une dizaine de kilos en mangeant trois bols de riz par jour. Les conditions ne sont pas très saines. Mais il prend tout ça comme un challenge."
"Il est prêt à se défendre de façon vigoureuse, et très concentré sur l’objectif de répondre aux accusations lancées contre lui", ajoute-t-il. Les espoirs de libération paraissent toutefois minces, avec un "système qui fait que les objections à la détention sont rarement prises en compte".
"On est dans l’impasse. Il est assez commun que les procureurs gardent des gens dans ces centres de détention pendant des mois et même des années. Les conditions sont si dures que chaque année des étrangers meurent en prison. C’est aussi grave que ça", s'alarme Anthony Ghosn.
Selon des informations du quotidien Les Echos, les conditions de détentions du patron de Renault se seraient assouplies ces derniers temps. Il aurait "été transféré le mois dernier dans l'infirmerie de la prison de Kosuge où il bénéficie désormais du chauffage et d'un lit classique", écrit le journal. Et si il a bien perdu du poids, il "reçoit, comme tous les autres détenus, des repas complets et équilibrés".
Jusqu'ici, Carlos Ghosn a choisi de contester les faits qui lui sont reprochés, ce qui prolonge mécaniquement sa détention, comme le confirme son fils:
"Chaque jour quand il se réveille dans le centre de détention, il peut dire au procureur qu’il conteste ce qu’on lui reproche, ou au contraire avouer et être libéré. Depuis sept semaines, sa décision a été assez claire."
Le soutien de la diplomatie française en question
Bien conscient "qu’il est très difficile de critiquer le système judiciaire d’un allié", Anthony Ghosn revient également sur le rôle des autorités françaises dans cette affaire:
"Je pense qu’elles agissent discrètement et qu’elles partagent l’idée qu’il y a quelque chose de bizarre dans cette histoire. J’ai beaucoup apprécié les propos du Premier ministre, qui a dit que selon lui c’était une question de présomption d’innocence et de droits de l’Homme basiques."
Au début de l'affaire, les ministres de l'Economie français et japonais avaient surtout tenu à rassurer sur l'avenir de l'alliance Renault-Nissan. L'alliance avec le groupe français "n'est pas en danger", vient d'ailleurs de rappeler le nouveau patron du groupe japonais, Hiroto Saikawa.