Gironde: des bouteilles de vins vendues à cinq centimes après la liquidation judiciaire d'un château

Un nouveau coup dur secoue le vignoble bordelais. Début automne, le matériel et les stocks de vins du Château Grand Housteau, situé à Saint-Germain-de-Grave, au sud de la Gironde, ont été mis aux enchères dans le cadre d'une liquidation judiciaire. Plusieurs centaines d’hectolitres du domaine ont été vendus à des prix dérisoires, notamment à 7 euros l’hectolitre, soit environ 5 centimes pour une bouteille de 75 cl.
"On n’est pas à 750, 600 ou même 500 euros le tonneau, mais autour de 60, déplore Didier Cousiney, une figure emblématique du collectif de vignerons Viti 33, auprès de Sud-Ouest. Franchement, je n’ai même plus d’adjectif pour qualifier ce tarif..."
Au Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), Bernard Farges, vice-président, a qualifié la situation de "honteuse", "inconcevable" et "insupportable moralement", s’indignant face aux comportements qu'il compare à ceux de "vautours". D'après les informations du quotidien régional, le vin en vrac a été acquis par un petit négociant, un ancien viticulteur de la région de l’Entre-deux-Mers, particulièrement touchée par la crise, où de nombreuses vignes sont à l’abandon.
De nombreuses réactions
Le négociant en question, qui n'a pas répondu aux sollicitations de Sud-Ouest, propose sur son site Internet des bouteilles à un peu plus de 5 euros ou des cubis de 5 litres à 18 euros. Étant donné le prix d’achat, les marges dégagées apparaissent très importantes. "Que ces ventes passent sous les radars de l’interprofession, c’est totalement inacceptable", soulignent certains.
Le faible prix du vin ne fait pas seulement réagir pour des raisons économiques. Le manque de certification et de contrôle de qualité lors de cette vente interpelle également les professionnels. Face à la gravité de la situation, des rencontres sont prévues avec les juges et mandataires afin de garantir l'application des règles de commercialisation, y compris dans les cas de liquidation. Bernard Farges, du CIVB, assure que l’organisation a déjà tiré la sonnette d’alarme en juillet et a multiplié les courriers pour sensibiliser les autorités.
"Risque de banqueroute générale"
L'histoire du Château Grand Housteau reflète la chute de certains domaines bordelais. Propriété d’une famille locale, il a été vendu à des investisseurs étrangers il y a quelques années. Depuis, la trentaine d’hectares a été laissée à l’abandon, et le domaine est passé en redressement judiciaire en 2023, avant de se retrouver en liquidation cet hiver. La vente aux enchères de son matériel et de ses vins a eu lieu le 26 septembre.
Malheureusement, le cas du Château Grand Housteau est loin d'être unique. D’autres ventes aux enchères ont déjà eu lieu, et d’autres encore sont à venir. "C’est un sujet autrefois exceptionnel qui va se reproduire", regrette Bernard Farges dans Sud-Ouest. La Confédération paysanne, quant à elle, dénonce les conséquences de ces ventes à prix cassé, alertant sur un "risque de banqueroute générale". Le syndicat demande une intervention rapide des pouvoirs publics pour éviter que ces ventes ne précipitent davantage de domaines viticoles dans la faillite.