TOUT COMPRENDRE. Prix de l'électricité: pourquoi le relèvement d'une taxe inquiète

À la sortie de l'entretien de Marine Le Pen et Michel Barnier à Matignon, les premiers mots de la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale ont concerné une mesure bien précise du budget 2025: la hausse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE).
"J'ai rappelé que nous considérions que l'augmentation des taxes sur l'électricité était inadmissible", a-t-elle déclaré aux journalistes présents.
Déjà largement décriée dans les semaines qui ont précédé la présentation officielle du projet de loi de finances, cette mesure pourrait bien jouer un rôle crucial dans les ultimes débats parlementaires sur le budget. Elle pourrait même, le cas échéant, constituer un point de bascule vers le vote d'une motion de censure à l'encontre du gouvernement. On fait le point sur cette fameuse hausse de la TICFE et ses potentielles répercussions au Parlement.
• Qu'est-ce que la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité?
La facture d'électricité se divise en trois grandes parties. Aux côtés du tarif réseau qui correspond au TURPE (tarif d'utilisation des réseaux d'électricité) et du coût du courant lui-même, les taxes constituent la troisième "brique" des factures électriques.
À l'intérieur, on trouve la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) qui "permet de financer les droits spécifiques relatifs à l'assurance vieillesse des personnels relevant du régime des industries électriques et gazières", comme l'explique le site de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Y figure également la TVA qui est de 5,5%, sur l'abonnement et la CTA et de 20% sur la part proportionnelle pour une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA.
Enfin, la TICFE est l'ancienne contribution au service public d'électricité (CSPE) et est perçue par les douanes. Elle intègre désormais les taxes départementale et communale sur la consommation finale d'électricité. Actuellement autour de 22 euros le MWh, le gouvernement envisageait d'abord de la remonter à 32 euros, ce qui aurait été son niveau sans l'instauration du bouclier tarifaire pour soutenir les ménages face à la crise énergétique. Mais depuis début octobre, l'exécutif ouvre la voie à une hausse de l'accise au-delà de 32 euros le MWh afin d'en tirer 3,4 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
• Quelles seraient les conséquences de la hausse de cette taxe sur les factures des Français?
En l'état, le gouvernement n'a pas déterminé le montant exact qu'il souhaiterait fixer pour la TICFE à partir du 1er février 2025: il explique que celui-ci dépendra du niveau des prix de marché de l'électricité au début de l'année prochaine. En revanche, il souhaite que le nouveau montant de l'accise permette de garantir une baisse de 9% des factures d'électricité pour les quelque 22 millions de ménages ayant souscrit à une offre d'électricité au tarif réglementé ou qui est indexée dessus.
D'après le ministère du Budget et des Comptes publics, interrogé par l'AFP, leur facture annuelle d'électricité devrait en moyenne diminuer de 110 euros. Cependant, il s'agit d'une baisse moins importante que celle promise par l'ancien ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire qui évoquait une fourchette de 10 à 15% au début de l'été.
Pour les 20% de ménages n'ayant pas opté pour le tarif réglementé ou une offre indexée dessus, le relèvement de la TICFE va en revanche se traduire par une hausse de leur facture au 1er février 2025. C'est le cas de ceux ayant choisi une offre de marché à prix variable et indexé sur d'autres indices comme les marchés de gros ou encore le mécanisme de l'Arenh, mais aussi des six millions de ménages qui ont préféré une offre de marché à prix fixe et qui, par définition, ne bénéficieront pas du recul des prix de marché. Mais le prix de ces offres est actuellement inférieur d'environ 20% au tarif réglementé. Par ailleurs, ces ménages peuvent à tout moment résilier leur contrat pour basculer au tarif réglementé.
• Pourquoi les parlementaires sont-ils majoritairement opposés à cette hausse?
Dès le lendemain de la présentation du projet de loi de finances, le Rassemblement national a annoncé qu'il présenterait "un contre-budget" lors de l'examen du PLF en commission, évoquant "des lignes rouges très claires" à l'image de la taxe sur l'électricité. De même, le député LR Laurent Wauquiez a rapidement affiché son opposition au relèvement de l'accise.
Plus surprenant encore, plusieurs députés Ensemble pour la République (EPR) et Horizons ont aussi déposé des amendements afin de supprimer l'article sur la taxation de l'électricité lors de l'examen de la partie recettes du PLF 2025 en commission. La commission des Finances présidée par le député LFI Eric Coquerel a finalement rejeté la hausse de la taxe au-delà de son niveau pré-Covid avant d'être imitée par l'Assemblée nationale fin octobre.
Il y a près de deux semaines, c'est la commission des Finances du Sénat qui s'est opposée à la hausse envisagée de la taxe sur les prix de l'électricité, pour "protéger le pouvoir d'achat". "Elle sera évidemment intégralement financée", a assuré Jean-François Husson (LR), le rapporteur général du Budget à la Chambre haute, qui évoque entre autres un relèvement de la taxe sur le gaz afin de générer un milliard d'euros de recettes. Alors que les sénateurs viennent de se saisir du projet de budget du gouvernement pour 2025, il est fort probable qu'ils en soutiennent l'essentiel des mesures mais écartent l'augmentation de l'accise sur l'électricité.
• Comment le gouvernement souhaite-t-il faire aboutir cette mesure?
Dans le cadre du budget 2025, le gouvernement espère atteindre un effort de 60 milliards d'euros afin de réduire le déficit public pour que celui-ci passe de 6,1% en 2024 à 5% l'année prochaine. Sur ces 60 milliards d'euros, la copie gouvernementale prévoit 40 milliards d'euros de baisses de dépenses et 20 milliards d'euros de recettes. Avec une projection autour de 3,4 milliards d'euros, le relèvement de la TICFE devrait donc générer un euro sur six de ces recettes espérées: c'est dire l'importance de cette mesure dans le budget de l'exécutif.
Pour donner des gages à une opposition transpartisane vis-à-vis de cette mesure, Michel Barnier s'est dit favorable à une "clause de rendez-vous" afin de moduler la hausse de l'accise et de rester dans l'objectif d'une baisse globale de 9% des tarifs réglementés au 1er février pour la plupart des Français. "Sur le sujet de l'électricité, vous souhaitez qu'il y ait une clause de rendez-vous afin de paramétrer l'évolution de la taxe en fonction du prix de l'électricité, pour apporter la garantie que les factures baisseront effectivement. Le gouvernement est prêt (...) à prendre cet engagement", a affirmé le Premier ministre devant l'Assemblée nationale en réponse à une question du président du groupe Droite républicaine Laurent Wauquiez.
Début octobre, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher avait mis en garde contre "le risque" d'aller trop loin dans l'augmentation de la TICFE et préconisait de ne pas "aller au-delà" de 32 euros le MWh sous peine notamment de lester la facture de certains Français modestes non soumis au tarif réglementé de l'électricité. Invitée de Good Morning Business il y a quelques jours, la ministre déléguée à l'Énergie Olga Givernet s'est quant à elle dite "très en soutien du fait qu'il puisse y avoir cette variabilité qui est proposée également pour pouvoir prendre en compte exactement au 1er janvier les prix du marché".