Remplacer le gaz russe par du GNL est "irréaliste"

Le gaz naturel liquéfié (GNL) serait-il la solution miracle? Dans son plan dévoilé mardi pour réduire de deux tiers la dépendance de l'UE gaz russe, la Commission européenne a proposé parmi d'autres mesures d'augmenter les importations de GNL. Mais les contraintes demeurent importantes et cela ne permettra certainement pas de remplacer totalement le gaz russe:
"C'est impossible, c'est une chimère. Quand on entend la Commission européenne dire qu'on va importer 50 milliards de mètres cube de GNL supplémentaires d'ici la fin de l'année, c'est irréaliste, illusoire. Il ne faut pas se leurrer", explique ce jeudi sur BFM Business Vincent Demoury, délégué général de GIIGNL (Groupe International des Importateurs de Gaz Naturel Liquéfié).
Selon lui, "ce qui pose problème, c'est qu'on a sous investi pendant des années" en raison de "politiques énergétiques incohérentes". "On n'a pas d'agenda gazier en France, certes parce qu'on a des centrales nucléaires. Mais il faut quand même s'occuper du gaz, s'occuper de pouvoir acheminer des volumes de GNL et s'assurer que ces volumes soient là quand on en a besoin. Et aujourd'hui, on est dans cette situation où on a besoin de ces volumes mais ils ne sont pas là", déplore-t-il.
Les Européens en concurrence avec l'Asie
Ces difficultés résultent d'abord de "problèmes sur l'offre" avec "des usines, notamment en Norvège, qui sont à l'arrêt" et des "problèmes de réserves à Trinidad, au Nigeria et dans d'autres pays", poursuit Vincent Demoury.
Résultat, "on a une demande qui croît plus vite que l'offre", observe-t-il. L'augmentation de la demande mondiale est notamment tirée les Chinois: "La Chine a augmenté l'an dernier ses importations de GNL de l'ordre de 20%. Elle est passée devant le Japon et est devenue le premier importateur de GNL. Donc progressivement, on va être, nous Européens, en concurrence croissante avec les asiatiques pour attirer les cargaisons de GNL", ajoute le président du GIIGNL.
Pour toutes ces raisons, Vincent Demoury appelle à "investir dans les projets de GNL, parce que si on ne le fait pas, on s'expose à du chantage énergétique comme le fait la Russie actuellement" mais aussi à devoir "brûler plus de charbon et de pétrole, ce qui est un drame pour la transition énergétique". Investir dès à présent est d'autant plus nécessaire qu'un "nouveau projet de production de GNL prend au minimum quatre à cinq ans pour entrer en production", précise le président du GIIGNL.
S'agissant des terminaux méthaniers indispensables pour regazéifier le GNL importé, l'Europe est "plutôt bien équipée", estime Vincent Demoury, mais pas au point "de remplacer tout le gaz russe". "On a environ 185 milliards de mètres cube de capacité à l'échelon européen et les importations de gaz russe c'est de l'ordre de 155 milliards". Si l'on ajoute le GNL que "l'on importe déjà, çe ne passe pas".