Remaniement: ce que change l'arrivée de l'Energie dans le périmètre de Bruno Le Maire

"J’ai encore plus d’énergie et d’enthousiasme qu’au premier jour." Bruno Le Maire ne croyait pas si bien dire en réagissant auprès du Figaro par cette phrase après la confirmation de son maintien en poste à Bercy. Dans le cadre du remaniement opéré après la nomination de Gabriel Attal comme chef du gouvernement, le recordman de longévité à la tête du ministère de l'Economie et des Finances (sans interruption) a également ajouté une nouvelle corde à son arc. Lui qui avait déjà sous sa tutelle l'Economie et les Finances donc mais aussi la Souveraineté, l'Intelligence artificielle et les Comptes publics, se voit également attribuer le ministère de la Transition énergétique. Un décret d'attribution doit confirmer cet élargissement dans les prochains jours.
Si Agnès Pannier-Runacher était depuis près de deux ans la figure de ce ministère, Bruno Le Maire était déjà particulièrement investi sur ses problématiques, notamment face à la crise énergétique survenue il y a plus de deux ans. A cette occasion, il était monté au créneau avec par exemple des mesures de soutiens aux boulangers face à l'envolée de leurs factures d'énergie. Le ministère de la Transition énergétique est crucial en ce sens qu'il permet à la fois d'agir sur le portefeuille des Français tout en pilotant la transition écologique.
"Avoir la responsabilité de l’énergie, c’est se donner les meilleures chances d’accélérer la réindustrialisation du pays et la réalisation du programme nucléaire français", expliquait Bruno Le Maire hier, toujours au Figaro.
Des chantiers d'envergure
D'ici la fin du quinquennat, la ligne directrice de la politique économique de Bruno Le Maire sera le désendettement du pays comme il a déjà eu l'occasion de le répéter au cours de l'année passée. Dimanche dernier sur le plateau de France 3, le patron de Bercy a ainsi enterré "la politique des chèques" qui a caractérisé la réponse gouvernementale face à l'accélération de l'inflation. Mais avec la Transition énergétique, il intègre dans son giron un ministère sous le feu des projecteurs depuis le discours de Belfort prononcé par Emmanuel Macron il y a bientôt deux ans.
Fin 2023, les lois d'accélération du nucléaire et des énergies renouvelables ont certes été adoptées mais le plus dur reste à faire. Bruno Le Maire devra ainsi suivre la construction des 6 EPR promis par le président de la République et auxquels pourraient vraisemblablement s'ajouter les 8 réacteurs optionnels selon les récentes déclarations d'Agnès Pannier-Runacher.
Dans un délai plus court, Bruno Le Maire devra prendre le relais de sa prédécesseure pour porter le projet de loi sur la souveraineté énergétique (ex-loi de programmation énergie climat) qui a été récemment décrié. Certains lui reprochent son absence d'objectifs engageants en matière de réduction d'émissions et de consommation ou encore la suppression d'objectifs chiffrés de développement des énergies renouvelables.
"Nous ne sommes pas contre une relance du nucléaire, mais elle ne peut être un prétexte pour dire qu'il n'y a pas de besoin d’énergies renouvelables ou pas besoin de se poser des questions sur l'efficacité et la sobriété énergétiques estime Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Tout cela se tient, et cette équation globale, tout le monde la connaît".
Inquiétude du secteur des énergies renouvelables
Si Bruno Le Maire estime que ce rattachement du ministère de la Transition énergétique à Bercy est de nature à favoriser la bonne "réalisation du programme nucléaire français", il préoccupe le secteur des renouvelables. La France a disposé pendant 18 mois d'un ministère dédié, une première depuis 15 ans liée aux enjeux de la transition énergétique: climat, sécurité d'approvisionnement, souveraineté...
Et cette organisation a porté des fruits, soulignent de nombreux acteurs. "On peut être surpris de l’absence d’un ministère de l’Energie de plein droit, notamment après qu’on ait connu en 2022 une crise énergie historique, qui n'est pas un sujet derrière nous", souligne Michel Gioria, délégué général de France Renouvelables.
"L’enseignement des 18 mois passés est que si l'on veut une politique énergétique efficace, il faut une maîtrise technique, une capacité d'écoute et un suivi très fin, sur le terrain, de tous les éléments: nucléaire, renouvelables, plan de sobriété... Il ne faut pas que ce grand ministère nous en éloigne".
Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), la suppression de ce ministère est "un mauvais signal quant au volontarisme politique" sur la transition énergétique, dit son président Jules Nyssen, qui veut aussi "rendre hommage à Agnès Pannier-Runaucher", la ministre sortante. "Au moment où les maires doivent travailler sur des zones d'accélération des renouvelables, où se prépare la planification de l'éolien en mer, où des investisseurs s’interrogent sur le fait de soutenir de futures gigafactories françaises, les signaux depuis le début de l’année ne sont clairement pas positifs", déplore le représentant.