EDF et l'État s'accordent sur le nouveau mécanisme de régulation des prix de l'électricité

L'électricité connaît son prix pour les prochaines années. Après de longues tractations en coulisses, EDF et le gouvernement ont annoncé la signature d'un accord ce mardi matin. Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et Luc Rémont, PDG d'EDF ont ainsi dévoilé les détails du nouveau mécanisme de régulation des prix voué à remplacer l'Arenh, dispositif actuel qui prendra fin en 2025.
"Le bouclier tarifaire était une protection provisoire, l'accord que nous venons de conclure avec EDF est une protection permanente pour le consommateur", a souligné Bruno Le Maire.
Ce nouveau mécanisme d'encadrement des prix définit ainsi un prix de référence, fixé à 70 euros/megawattheure (MWh) et un prix plafond à 110 euros/MWh, comme BFM Business l'annonçait la semaine dernière. "L'ancienne régulation ne portait que sur une partie de la production nucléaire d'EDF: un tiers, a rappelé le ministre de l'Economie et des Finances. Avec l'Arenh, 100 TWh étaient négociés durement chaque année dans un système qui paraît un peu daté. Tout le reste de la production était exposé au marché. Cette fois, l'accord va couvrir l'intégralité de la production nucléaire d'EDF." L'objectif premier est de protéger les consommateurs après des mois d'envolée des prix de l'énergie. Ainsi, en cas de flambée des prix sur les marchés de l’électricité, l’État prélèvera les revenus générés au-delà de ce plafond pour financer des aides destinées à réduire la facture des consommateurs.
Des niveaux de prélèvement progressifs
Entre le prix de référence et le prix plafond, plusieurs paliers ont été définis. Ce mécanisme fonctionnera par le biais de prélèvement progressifs, sur le modèle de l'impôt sur le revenu. Le taux de prélèvement associé à chaque tranche a fait l'objet d'âpres négociations. Pour la première tranche (78-80 euros/MWh), il sera de 50% et de 90% au-delà d’un prix de 110 euros/MWh. "Cette nouvelle organisation permettra de déconnecter les prix de l'énergie des prix du gaz, de mettre fin à un certain nombre de défaut de l'Arenh car la redistribution se fait directement aux consommateurs", explique Agnès Pannier-Runacher qui estime que cet accord "s'inscrit dans le droit fil" de celui obtenu au niveau européen il y a quelques semaines.
"Cela veut dire que pour les ménages et les TPE, les tarifs réglementés seront préservés et n'augmenteront qu'en fonction de la réalité de nos coûts de production électrique. S'agissant des entreprises, c'est une incitation à négocier des contrats de long terme, ce qui est la meilleure manière pour avoir de la visibilité sur les prix."
Bruno Le Maire a précisé que ces accords de long terme d'une durée de dix ans qui ciblent les grandes entreprises industrielles étaient "indispensables pour garantir notre objectif de réindustrialisation". "Les industriels sur le territoire français ont besoin d'une électricité décarbonée, pas chère et en volume, a ajouté le ministre de l'Industrie Roland Lescure. Après-demain, les besoins vont être énormes et cela suppose des investissements massifs. Cet accord va permettre à EDF de nouer des accords de gré à gré avec les gros industriels."
Le patron d'EDF Luc Rémont est revenu un peu plus en détail sur la manière dont a été déterminé le prix de référence de référence de l'électricité nucléaire autour de 70 euros le mégawattheure. "C'est le résultat de nos anticipations de long terme sur 15 ans après 2026, a-t-il expliqué. Quand on regarde en arrière, sur les 15 dernières années, les prix de marché ont eu des périodes très en dessous de 42 euros le MWh [le prix garanti dans le cadre de l'Arenh] puis très au-dessus de 100 euros le MWh." Il a également ajouté qu'à l'heure actuelle, les prix proposés par EDF sont à 83 euros le MWh pour 2027 et 77 euros le MWh pour 2028.
Aider EDF à financer la transition énergétique
En ouverture de la conférence de presse, Bruno Le Maire a insisté sur l'exigence de résultats vis-à-vis de l'énergéticien: "EDF doit être rentable, nous ne sommes pas en Union soviétique. Ce n'est pas parce qu'EDF est nationalisé qu'il doit fonctionner à perte. EDF doit dégager des bénéfices pour financer ses investissements. Il aurait été irresponsable de demande rà EDF de vendre son électricité à perte. Cet accord fait rentrer EDF dans le XXIème siècle." Le patron de Bercy a par ailleurs indiqué qu'une clause de revoyure de six mois était prévue et que l'accord serait mis en consultation auprès des fournisseurs, des industriels ou encore des associations de consommateurs et que les parlementaires y seraient associés.
L'énergéticien fait en effet face à des besoins d'investissements conséquents. Le grand carénage, vaste programme de rénovation et de modernisation des centrales nucléaires existantes, doit lui coûter 50 milliards d'euros sur 20 ans. Les divers projets d'EPR coûteront la même somme, également sur 20 ans. Et ce alors qu'EDF est en difficulté. Le groupe a perdu 18 milliards d'euros en 2022 et sa dette culmine à 65 milliards d'euros. "Nous avons fait face à un problème industriel important qui a réduit notre capacité de production temporairement, a déploré Luc Rémont. Notre ambition est de remonter notre niveau de production chaque année pour atteindre un ordre de grandeur de 360 TWh sur le parc existant et de le porter au-delà en complément de puissance. L'horizon de 400 TWh est ambitieux mais accessible. C'est une des conditions de succès de notre capacité de financement."