Ecologie: comment la guerre en Ukraine a sapé les bonnes intentions

En mars 2020, le confinement mondial avait fait reculer de façon inédite les émissions de gaz à effet de serre. Deux ans plus tard, on est bien loin de cette dynamique. Au contraire, la guerre en Ukraine ne donne pas de bonnes raisons d'espérer alors que l'énergie est revenue au cœur des débats internationaux.
En réalité, la question énergétique a émergé l'autonme dernier lorsque la pression sur les prix du gaz et de l'électricité a commencé à se faire ressentir sur les factures des Européens. A l'époque, c'est la relance économique qui était dans le viseur. Après une baisse d'activité inédite durant la pandémie, le monde entier a remis du gaz et du fuel dans ses industries pour relancer la machine.
Résultat, la consommation d'hydrocarbures est montée en flèche. Parallèlement, les énergies zéro carbone ont été à la peine. En France, EDF n'en finit plus d'abaisser ses prévisions de production électrique, après la découverte de défauts de corrosion sur ses centrales.
Le bilan 2021 n'est pas meilleur pour le renouvelable, notamment dans les pays qui s'appuient sur leur climat. En Espagne, la canicule a mis hors service les panneaux photovoltaïques pendant l'été et l'absence de vent a mis les éoliennes au chômage technique.
Le nouveau roi GNL
A ce contexte déjà compliqué, le conflit en Ukraine a ajouté de nouvelles contraintes. Désormais, l'enjeu est l'approvisionnement en gaz et les Européens mettent leurs efforts en commun pour remplir leurs capacités de stockage à ras bord en prévision de l'hiver prochain.
Et pour s'émanciper du gaz russe, les Européens se tournent massivement vers le gaz naturel liquéfié (GNL). Transporté dans des méthaniers depuis le Qatar ou l'Australie, le GNL augmente mécaniquement les émissions de CO2 en comparaison aux gazoducs. Le principe de liquéfaction et regazéification implique aussi des émissions.
Surtout, les Européens importent depuis les Etats-Unis du gaz de schiste (dont l'extraction est interdite en France) qui entraîne d'importants rejets de méthane au Texas et au Nouveau-Mexique. Les émissions avaient chuté l'année dernière avec l'arrêt des forages controversés mais le rebond des prix et de la demande ont relancé l'activité.
D'autant que les investissements vont s'accroitre sur les énergies fossiles, notamment avec la construction de nouveaux méthaniers pour récupérer du GNL. Les grands pétroliers, contraints de se passer de la filière russe, pourraient aussi être tentés de relancer l'exploration de gisements de pétrole et de gaz ailleurs dans le monde.
Fin des terres en jachère
En attendant, c'est le charbon qui pourrait tirer son épingle du jeu. Lundi, le ministère de la transition écologique a indiqué que le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold l'hiver prochain n'était pas exclu. L'Allemagne pourrait aussi prolonger certaines centrales à charbon pour faire face à la réduction voire la fin du gaz russe.
Autre symbole du recul écologique: la fin de l'obligation européenne de laisser 4% des terres en jachère. Si cette mesure a un sens économique, face à la crise alimentaire qui se profile, elle inquiète aussi les écologistes qui y voient un support de la biodiversité. La fin de l'obligation est "temporaire", tient à rassurer Bruxelles.
Finalement, c'est davantage sur le long terme que la bascule pourra se faire. Plusieurs pays européens dont la France ont relancé leurs projets nucléaires mais les nouveaux réacteurs ne seront pas construits avant une quinzaine d'année, au mieux.
Le renouvelable va aussi se développer massivement mais leur fonctionnement par intermittence obligera à utiliser des énergies fossiles tant que la question du stockage d'électricité ne sera pas résolue. D'autant que plusieurs candidats à l'élection présidentielle sont loin d'être emballés pour monter de nouvelles éoliennes.
En attendant, il faudra donc faire avec les émissions de gaz à effet de serre.