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Corée du Sud: les fans des BTS, visages inattendus de la lutte contre les énergies fossiles

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Les fans du groupe de K-Pop protestent contre l'ouverture d'une centrale à charbon sur le lieu d'un célèbre shooting de la bande. Un combat qui souligne la stratégie énergétique de la Corée du Sud, encore loin de recourir aux énergies vertes.

Pas touche à la plage de "Beurre"! En Corée du Sud, une drôle de bataille pour la préservation du patrimoine naturel oppose les fans du groupe de K-pop BTS à un projet de construction de centrale à charbon. Une histoire insolite qui souligne des questions très sérieuses de politique énergétique dans le pays.

Le lieu en question est appelé Plage de Maenbang, sur la côte ouest du pays. Mais les fans du boys band lui attribuent plutôt le nom de "Butter beach", en référence à une chanson iconique du groupe tournée en ces lieux. Or, à seulement une dizaine de kilomètres de ce lieu charmant se construit une gigantesque centrale à charbon. Elle devrait être mise en opération au mois d'octobre prochain.

Pour les BTS "stan" (nom donnés aux fans particulièrement impliqués), il est hors de question de voir l'environnement naturel de ce lieu quasi-saint de leur culture populaire détruit sur l'autel des énergies fossiles.

Pouvoir et influence d'une "légion mondiale" de fans

À l'occasion d'une manifestation tenue sur la zone à défendre en juillet, l'agence de presse Bloomberg a pu questionner des militants. "Les fans de K-pop sont sincèrement inquiets, pas seulement parce que notre précieux endroit est en train d'être détruit", a témoigné Lee Da-yeon, un étudiant en littérature anglaise.

Cette initiative portée sur l'écologie et la lutte contre le dérèglement climatique s'est traduite dans une association, Kpop4planet, en association à l'ONG Korea Beyond Coal ("la Corée post-charbon"). Ensemble, ils ont lancé la campagne "Sauver la plage de Butter". Comme le note Bloomberg, l'action n'a que peu de chances de mener à une interruption du projet. Elle a au moins le mérite d'éveiller les consciences.

"Lorsque nous nous réunissons en tant que légion mondiale de fans de K-pop, nous pensons que nous avons le pouvoir et l'influence nécessaires pour nous attaquer au problème le plus dévastateur de notre époque: le changement climatique", a assuré l'étudiant.

Un modèle énergétique terni par le charbon

Construire une imposante usine à charbon, en 2023? La situation soulevée par les fans de musique permet de relever une incohérence dans le modèle énergétique sud-coréen. Les mastodontes du pays comme Samsung font pression pour un verdissement de la production d'électricité. Des entreprises particulièrement puissantes sur le plan local, elles-mêmes pressées par les investisseurs soucieux de la question environnementale.

Malgré cela, en 2021, selon l'Agence internationale de l'énergie, le charbon représentait 34,3% de la production électrique locale. Soit une augmentation de +1078% par rapport à 1990. Au total, l'ensemble des énergies fossiles représentent les deux tiers de la production. La part du nucléaire, elle, avoisine les 26% et tend plutôt à se réduire.

L'industrie du charbon est notoirement polluante. Or, la Corée du Sud s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d'ici 2030, par rapport à son niveau de 2018. Une ambition qui ne semble que difficilement se conjuguer avec les 13 millions de tonnes de carbone que la nouvelle centrale de l'entreprise Samcheok Blue Power Co Ltd. devrait émettre annuellement. Sans oublier que les investissements dans cette structure sont conséquents, ce qui va légitimer son utilisation pour des années à venir.

Enjeu (géo)politique

Sur le plan politique, la transition énergétique coréenne est sur une ligne de crête périlleuse. Comme le souligne un rapport du ministère de l'énergie local, "la production d'électricité à partir du charbon emploie plus de 50.000 personnes". Yoon Suk Yeol, l'actuel président de la Corée du Sud, a déjà freiné le déploiement de modes de productions solaires et éoliens.

Sans oublier que la Corée du Sud vit en permanence avec la menace d'un ennemi gênant de l'autre côté de sa frontière. Sur le plan sécuritaire, l'appui sur une source d'énergie trop intermittente pourrait se révéler problématique. L'autre Corée est, elle aussi, très dépendante du charbon.

Tom Kerkour