La possible suppression de jours fériés inquiète certains acteurs du tourisme mais en réjouit d'autres

C'est l'une des principales mesures annoncées par le Premier ministre pour réduire le déficit public : la suppression de deux nouveaux jours fériés, par "exemple" le "lundi de Pâques" et le 8-Mai. "Il faut travailler plus, il faut que toute la nation travaille plus pour produire et (...) pour que la situation de la France s'améliore", a déclaré François Bayrou. En augmentant la productivité, la mesure rapporterait "4,2 milliards d'euros" au budget de l'État.
Outre la levée de boucliers des partis d'opposition et des syndicats, cette perspective inquiète également le secteur du tourisme qu'il s'agisse de la consommation interne (hôtels, restaurants...) ou de celle liée aux voyages.
"Il y aura forcément une perte de fréquentation pour l'hôtellerie et la restauration en régions avec la perte de touristes et surtout des touristes de proximité qui viennent par exemple une journée dans une station balnéaire", nous explique Didier Arino, directeur général du cabinet Protourisme. "On peut évaluer l'impact global dans une fourchette de 200 à 400 millions d'euros".
Sans oublier les conséquences sur certaines activités connexes comme les producteurs de vin, d'huîtres... dont beaucoup de ventes se font sur des lieux de vacances.
Sur RMC ce mercredi, Catherine Quérard, la présidente du Groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR) évalue à "200 millions d'euros" le manque à gagner pour son secteur si le Parlement venait à valider ces suppressions, soit "100 millions" par jour férié.
"Notre secteur d'activité travaille les jours féries, les dimanches. On amène déjà une contribution importante pour l'économie, ce sont des jours fériés qui sont forts pour nous", explique-t-elle. "En général, un jour férié, c'est 25% de chiffre d'affaires en plus, plus la contribution (aux finances publiques, NDLR) qui est estimée à 50 millions par jour".
25% de chiffre d'affaires en plus les jours fériés
Et de souligner que le lundi de Pâques représente "le lancement de la saison touristique" et que le 8 mai fait partie "des ponts qui sont très importants" pour le secteur. "C'est là où nous avons le plus de clientèle. On pense à nos clients, mais aussi à nos salariés qui sont sur le pont ces jours-là". Et d'asséner "qu'une baisse d'activité serait contre-productive à l'effort collectif".
Elle demande que la situation économique de son secteur "à la peine" soit entendue tout en étant prête à accepter la suppression d'un jour férié mais pas deux "car c'est un manque à gagner, c'est une réalité comptable". La responsable propose d'ailleurs de choisir de supprimer plutôt le 11 novembre ce "qui aura moins d'impact sur notre activité".
Autre impact probable, un recul de l'activité voyages. Comme le rappelle Catherine Quérard, "40% des Français ne partent pas en vacances, les ponts c'est le moyen de prendre un petit week-end, un peu de repos..."
Selon les chiffres du gouvernement, en 2023, entre le 8 avril et le 8 mai, soit la période des vacances de Pâques, comprenant les week-ends du 1er et du 8 mai, on a observé une augmentation de près de 15% sur un an des nuitées réalisées en France par des résidents français. Ainsi, les centres-villes se vident au profit des destinations plus touristiques et les entreprises ou les restaurants sur les côtes ou dans les zones touristiques voient leur activité augmenter, si la météo est au rendez-vous.
A Paris, plutôt une bonne nouvelle pour les restaurants
Pour autant, les conséquences dépendent des régions. Pour Franck Delvau, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) Paris Ile-de-France, interrogé sur BFMTV, la suppression de deux jours féries est plutôt une bonne nouvelle.
"La restauration traditionnelle est assez vide à Paris au mois de mai. Elle souffre en mai à Paris. Et puis à Paris, on a la chance d'avoir beaucoup de touristes étrangers donc ils seront toujours là mais démarrer par le lundi de Pâques, ce n'est forcément pas la meilleure chose".
Ailleurs, le ressenti est évidemment différent pour les régions qui accueillent des touristes français pendant les ponts, notamment parisiens. Exemple en Occitanie. "Cet effort de deux jours fériés, pour nous professionnels du tourisme, c'est un effort consenti de 4,2 milliards d'euros", indique sur franceinfo Brice Sannac, président de l'Umih des Pyrénées-Orientales et d'Occitanie.
"Le lundi de Pâques, c'est le vrai démarrage de la saison en Occitanie avec l'arrivée des beaux jours, ce sont des jours importants pour nous", explique-t-il. Si ce lundi n'est plus férié, "vous limitez forcément la possibilité pour nos visiteurs de venir nous voir et de consommer dans nos établissements: faisons attention à ne pas casser la consommation parce que ce pays tourne grâce à la consommation".
Les tour-operators pas inquiets
Même tonalité en Bretagne. "Aux beaux jours, quand il y a des ponts, les fréquentations dépassent parfois une fréquentation estivale", explique à France Bleu, Virginie Gendrot, consultante de Protourisme, cabinet conseil spécialisé en tourisme et loisirs. Ou encore dans les Bouches du Rhône : 29% des arrivées (à 85% par des Français) se concentrent au printemps, période où les jours fériés sont les plus nombreux. Rien que pendant le pont du 8-Mai, la fréquentation était en 2023 supérieure de moitié à celle de 2019.
Et quid des vacances un peu plus lointaines, quand les ponts autour des jours fériés permettent d'aller en Europe ou dans le bassin méditérranéen?
Pour Valérie Boned, présidente des entreprises du voyage (EDV), la question de l'impact est difficile à évaluer. Mais le principal problème, c'est la visibilité sur les jours choisis "afin de pouvoir anticiper la demande et permettre de nous adapter", explique-t-elle à BFM BUsiness.
Pour Patrice Caradec, président du Seto, le syndicat français des entreprises du tour operating (qui vendent des voyages au forfait avion+hôtel), il n'y pas lieu de s'effrayer. Au contraire même.
"Regardons ce qui se passe ailleurs. Aux États-Unis, au Canada, les gens ont moins de congés mais y consacrent un très gros budget, bien supérieur aux Français, ils mettent le paquet pour ne pas rater leurs vacances", nous explique-t-il.
"En France, je pense que nous avons beaucoup de temps libre et nous consommons beaucoup de loisirs. Du coup, le client est très sensible au prix des voyages. Peut-être qu'en travaillant plus, avec moins de jours fériés, les budgets vacances vont augmenter", espère le responsable. La moyenne d'un voyage au forfait en France est en effet assez basse, autour de 1.300 euros par personne, selon l'organisation.