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Une flotte d'avions archaïque mais des drones à la pointe: l'Iran peut-il faire le poids face à Israël sur le plan militaire?

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Alors qu'environ 200 avions de combat israéliens ont bombardé l'Iran dans la nuit de jeudi à vendredi, touchant des sites militaires et des installations nucléaires, Téhéran a lancé des attaques de drones en représailles – qui auraient cependant été interceptés par la défense aérienne israélienne.

Une attaque d'ampleur aux conséquences majeures. Environ 200 avions israéliens ont frappé des sites militaires et nucléaires en Iran dans la nuit de jeudi à vendredi, touchant notamment Téhéran et l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz.

"Militairement parlant, l'opération a plutôt bien réussi", a déclaré l'ex-ministre de la Défense et ancien ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, au cours d'une intervention au Paris Air Forum.

Cette opération a mis en avant la "vulnérabilité de la défense iranienne", a poursuivi Jean-Yves Le Drian, qui s'est par ailleurs montré prudent sur la capacité de riposte iranienne. "Est-ce qu'il y aura des suites ? Pour l'instant, nous sommes dans l'inconnu", énonçait-il quelques heures à peine après l'attaque israélienne.

Un arsenal balistique

S'agissant des capacités militaires effectives de l'Iran, la prudence est de mise. Il est cependant possible d'affirmer qu'Israël dispose de moyens bien plus importants et efficients que l'Iran – qui est sous le coup de sanctions internationales et d'un embargo depuis des décennies, et qui n'a donc pas pu procéder au développement massif de son industrie de défense.

A contrario, Israël fait partie des plus importants pays exportateurs d'armement et se place en 8ème position du classement effectué par le Stockholm international peace and research institute (Sipri) pour l'année 2024.

"La comparaison est en faveur d'Israël", déclarait ce vendredi sur BFMTV Jérôme Pellistrandi, consultant défense et ancien militaire.

Selon un rapport de l'Institut français des relations internationales (IFRI) sur la supériorité aérienne, "la démonstration de force en deux temps de l’armée de l’air israélienne en avril et octobre 2024 a par exemple permis de neutraliser l’intégralité des [systèmes sol-air S-300] longue portée iraniens en seulement deux opérations de frappe aérienne".

Un document déclassifié de la Defense intelligence agency américaine publié en 2019 rapporte que malgré l'incapacité de l'Iran à réaliser des achats à l'étranger pour moderniser ses capacités militaires, le pays "a investi massivement dans son infrastructure, ses équipements et son expertise pour développer et produire des missiles balistiques et des missiles de croisière de plus en plus performants".

Ces investissements auraient permis à l'Iran de se doter de "la plus grande force de missiles du Moyen-Orient, avec un inventaire important de missiles balistiques à courte et moyenne portée, qui peuvent frapper des cibles dans toute la région, jusqu'à 2 000 kilomètres des frontières de l'Iran".

De vieux avions mais des drones performants

Les capacités aériennes iraniennes sont complètement archaïques: des antédiluviens F-4 Phantom côtoieraient des F-5 Tiger, des F-14 et des MiG-29… voire aussi des Mirage F1, selon les données compilées par Flightglobal. Des avions incapables d'aller frapper le territoire israélien.

En revanche, ce qui fait la force de la flotte iranienne, ce sont les drones, un domaine dans lequel l'Iran a considérablement progressé ces dernières années: le drone Shahed en est l'exemple le plus parlant. Signe que ses performances sont jugées convaincantes, la Russie a lancé sa production sous licence et les utilise dans la guerre en Ukraine.

Le développement et la production d'armes à bas coûts représente "une rupture stratégique majeure dans le domaine de la frappe à longue portée", peut-on lire dans le rapport de l'IFRI.

"Les deux caractéristiques principales de ces armes (…) sont leur simplicité et leur portée, qui permettent une frappe à longue distance à un coût individuel dérisoire, de l’ordre de 20 fois inférieur à celui d’un missile de croisière", expose l'étude.

Outre le coût réduit et la relative facilité de fabrication, l'intérêt de ces drones, c'est également leur capacité à voler à basse altitude, ce qui leur permet d'échapper aux radars.

Missiles et drones en ordre de bataille

Tout l'intérêt militaire pour l'Iran réside dans la combinaison de ses moyens. Selon l'étude de l'IFRI, "l’accès à ces trois types d’armes, balistique, de croisière, et de frappe à longue portée rustique, par des acteurs géopolitiques de plus en plus désinhibés dans le recours à la force, constitue une rupture (…). Cependant, la perspective la plus préoccupante est la combinaison de ces trois modes d’action pour saturer les défenses à la fois techniquement et cognitivement".

C'est bien cette stratégie qu'a appliqué l'Iran lors de l'attaque du 13 avril 2024, une opération au bilan militaire quasi-nul, mais notable au plan symbolique: le pays a lancé une opération avec Israël comme cible, et même si la défense anti-aérienne a intercepté "la quasi-totalité des tirs", selon l'AFP, cette opération "a démontré la capacité" de l'Iran à saturer les défenses adverses, analyse le rapport de l'IFRI.

"Les effets opérationnels insignifiants de cette frappe symbolique, inscrite dans une démarche de maîtrise de l'escalade, ne doivent pas tromper", écrit l'auteur du rapport, le lieutenant-colonel Adrien Gorremans.

Une défense côtière en cours de renaissance

Selon le New York Times, l'Iran serait par ailleurs en train de renouveler ses capacités maritimes et côtières, avec la construction d'une flotte de vedettes rapides et de petits sous-marins, "capables de perturber le trafic maritime et l'approvisionnement mondiale en énergie" transitant par le très stratégique détroit d'Ormuz et le golfe Persique. Le pays aurait également fait l'acquisition sous-marins auprès de la Corée du Nord.

En revanche, les tentatives de lancer des programmes de grands navires de guerre "ont donné des résultats mitigés", indique le New York Times, tout comme la fabrication de véhicules légers.

Helen Chachaty