Ukraine, Opex, JO... Pourquoi le budget de 50,5 milliards d'euros aux armées risque de ne pas suffire

Pour 2025, le budget des armées restera conforme à la loi de programmation militaire (LPM) adoptée l'an dernier. Il sera donc en hausse de 3,3 milliards d'euros pour atteindre 50,5 milliards d'euros hors pensions. Ce montant représente 2% du PIB, le seuil demandé par l'Otan pour préparer l'Europe à un conflit de haute intensité.
Mais la LPM ne couvrira pas les dépenses supplémentaires auxquelles le ministère des Armées a dû faire face en 2024, comme l'aide à l'Ukraine ou les opérations extérieures avec les engagements des troupes françaises dans le cadre de l'Otan. Le ministère des Armées entend donc défendre un budget 2025 plus important que prévu.
Si la LPM semble élevée, elle est presque déjà dépensée avec un plan de modernisation et de renforcement des armées. Au programme, des satellites de renseignement militaire, un porte-avions, des sous-marins et de nouveaux navires, des Rafales, des drones, des véhicules blindés, la dissuasion, la défense antiaérienne, la constitution de stocks de munitions, le fameux MCO (maintien en condition opérationnelle) des matériels et le recrutement. Difficile de réduire ces dépenses supplémentaires.
Un financement interministériel
Selon notre confrère de La Tribune, l'aide à l'Ukraine, les 15.000 militaires mobilisés pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et la présence de 2.000 soldats français sur le flanc Est, notamment en Roumanie (opération Aigle) et en Estonie (opération Lynx) dans le cadre de l'Otan, pourraient représenter une facture de 2,4 milliards d'euros. Ce montant n'a pas été confirmé par le ministère des Armées.
Une rallonge budgétaire est-elle possible? Le ministère des Armées tente de convaincre Matignon et Bercy de financer ces postes qui historiquement faisaient l'objet de budget supplémentaire à la LPM. En ce qui concerne les missions otaniennes, le sujet est complexe. Il s'agit d'activités de défense, mais pas de combat.
En d'autres termes, ce sont des opérations extérieures qui ne sont pas vraiment des Opex, même si en 2022 la présence militaire française en Europe orientale a officiellement été qualifiée d’"opération extérieure". Une décision prise à l'époque pour permettre aux militaires participant à ces opérations de bénéficier "de la couverture majorée des risques invalidité et décès prévue par l’article L. 4123-4 du code de la défense".
Une des solutions pourraient être celle d'un financement interministériel. Une piste qui fera grincer les dents des ministères comme les Affaires sociales, l'Éducation nationale, la Santé ou l'Enseignement supérieur qui sont soumis à de sévères plans d'économies.
Les avoirs russes
Pour l'aide à l'Ukraine, d'autres sources de financement sont étudiées. Actuellement, le soutien à Kiev est financé par plusieurs plans. Au départ, avec le don de matériels anciens qui coûtait cher en entretien, notamment les véhicules de l'avant blindé (VAB) ou les chars AMX10TC qui sont remplacés par de nouveaux blindés (Griffon, Jaquar, Serval...).
La France, comme les autres pays européens qui soutiennent l'Ukraine, commencent à recevoir de l'argent de la facilité européenne de paiement entrée en vigueur en mars dernier. Plusieurs fonds de soutien de 200 millions d'euros ont aussi été votés par le Parlement. La baisse de l'inflation a aussi permis de récupérer des marges de manoeuvre pour l'achat de munitions et la rénovation de missiles.
Une dernière option va entrer en jeu avec le produit des avoirs gelés russes qui seront affectés aux achats de matériels neufs. La France pourrait utiliser une partie des 1,4 milliard d'euros correspondant à ces fonds pour financer des achats d'équipements militaires pour l'Ukraine.
L'Allemagne prévoit déjà de compenser une baisse de l'aide à l'Ukraine par les avoirs russes. Quelque 200 milliards d'euros d'avoirs russes ont été gelés dans l'UE après l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022, dont environ 90% se trouvent en Belgique, siège de l'organisme international de dépôts de fonds Euroclear. Mercredi, l'Union européenne a donné son feu vert pour accorder à Kiev un prêt de 35 milliards d'euros pour soutenir son économie en utilisant les actifs immobilisés de la Banque centrale de Russie comme garantie.
Une "chasse au gaspi"
Le ministère des Armées compte aussi se lancer dans une campagne d'économies pour se donner les moyens d'assurer les missions qu'elle a en charge.
"Il faut que le ministère fasse des efforts. Il y a une pression à mettre sur des dépenses du ministère", nous confie une source.
Encore une fois, il s'agit d'un numéro d'équilibriste particulièrement délicat pour ne pas réduire la voilure du réarmement. Les trois armées (Terre, Air et Espace et Marine nationale) cherchent à économiser tout ce qui est possible sans réduire leur efficacité. Une manière de montrer à Matignon et Bercy leur bonne volonté.
Mais difficile d'imaginer que cette "chasse au gaspi" pourra financer des dépenses non prévues qui, à l'exception des JOP, risquent de devenir récurrentes et de plus en plus lourdes en fonction de tensions internationales de plus en plus vives.
