Menace nucléaire russe: faut-il répertorier nos bunkers comme le font les Allemands?

En France, il y a eu l'effet des dividendes de la paix sur la production d'armement. Y aura-t-il un effet "dissuasion" sur les capacités d'abris souterrains destinés à protéger la population en cas de conflit armé nucléaire?
Depuis le 24 février 2022, jour de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, un conflit nucléaire est devenu de l'ordre du possible. Cette crainte a été renforcée le 19 novembre dernier avec un décret permettant à Moscou un recours aux armes nucléaires en cas d'attaque massive sur son territoire. Avec ce changement de doctrine nucléaire, Vladimir Poutine met la pression sur les pays membres de l'Otan qui se préparent à une éventuelle attaque nucléaire visant un des cibles stratégiques ou une attaque sur une centrale nucléaire.
Face à un tel risque, d'autre pays d'Europe se sont mis en alerte. Les autorités allemandes viennent de décider de répertorier les bunkers et abris où les 83 millions d’Allemands pourraient trouver refuge en cas d’attaque. L’Allemagne dispose actuellement de 579 bunkers, datant pour la plupart de la Seconde Guerre mondiale et de l’époque de la Guerre froide. Ils ne peuvent abriter que 480.000 personnes. Les citoyens seront également encouragés à créer des abris à leur domicile, en aménageant leur cave ou leur garage.
Dans le public, ce cauchemar apocalyptique a été renforcé par Nuke Map, un site anxiogène qui simule les effets de l'impact d'une explosion d'une arme nucléaire, en fonction de sa puissance. Cette effrayante actualité relance la question des abris nucléaires en France. Où sont-ils, combien il y en a, à qui sont-ils destinés, comment s'y rendre, qui en a la responsabilité?
"La dissuasion nucléaire pour empêcher la guerre".
En 2023, Olivier Paccaud, sénateur de l'Oise, avait posé interpelé Sébastien Lecornu, ministre des Armées sur "les faibles capacités d'abris souterrains destinés à protéger la population en cas de conflit armé nucléaire".
"En 2017, la France comptait à peine un millier d'abris sur son sol, pour la plupart bâtis dans les années 1980", notait le sénateur en rappelant que "600 de ces structures étaient de nature militaire et environ 400 autres étaient des abris civils privés".
"Rapportés à la population, ces chiffres confèrent à notre pays un taux de protection contre le risque nucléaire d'une insigne faiblesse puisqu'il est à peine supérieur à 0%!", justifiait Olivier Paccaud.
Élisabeth Borne, à l'époque Première ministre, lui avait répondu.
"Depuis 1964, la dissuasion nucléaire protège en permanence la France de toute menace d'agression d'origine étatique contre ses intérêts vitaux, quelle qu'en soit la forme", expliquait Elisabeth Borne affirmant que "la dissuasion nucléaire vise à empêcher la guerre".
Les FAS et les SNLE
La France ne dispose plus de la fameuse triade qui représente les trois moyens de lancer une arme nucléaire. La composante terrestre n'est plus, mais reste les Forces aériennes stratégiques (FAS) créées en 1964, la dissuasion navale via les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) qui patrouillent en permanence dans les mers et les océans et la force aéronavale nucléaire (FANU) troisième composante stratégique de la dissuasion.
En cas d'accidents dans une centrale nucléaire, la Première ministre rappelait que des mesures sont prévues allant jusqu'à l'évacuation des populations exposées. Sur le nombre d'abris et les conditions requises pour s'y rendre, aucune réponse n'a été apportée à Olivier Paccaud.
Et si certaines estiment que les bunkers de la Seconde guerre mondiale pourrait servir d'abris, il faudra d'abord les rénover. Par ailleurs, le mur de l'Atlantique est situé sur 4.400 km de nos côtes ouest.
En Russie, des abris à la chaîne
La Suisse reste l'un des pays les plus prudents. Elle dispose de 360.000 abris répartis sur l'ensemble du pays. En plus de ceux installés dans des bâtiments publics (écoles, mairie, entreprises...), on en trouve aussi dans les immeubles d'habitations ou les maisons individuelles. L'ensemble de la population de 8,6 millions d'habitants y aurait une place.
Même la Russie a mis les bouchées doubles pour protéger les habitants. En début d'année, l’Institut de recherche du ministère des Situations d’urgence a lancé la production en série de "KUB-M". Ce sont des abris anti-atomiques mobiles capables d’accueillir une cinquantaine de personnes.
"La configuration de base du 'KUB-M' comprend deux blocs (...) avec des modules supplémentaires", explique le média indépendant ukrainien Ukraine Front Line.
Selon Reuters, le Kremlin n'a pas lié cette décision à une quelconque crise actuelle, bien que l'annonce soit intervenue quelques jours après que l'administration du président américain Joe Biden a accepté d'autoriser l'Ukraine à tirer des missiles américains à longue portée en profondeur sur la Russie. Cette décision a été qualifiée d'imprudente par le Kremlin qui en réponse a fait évoluer sa doctrine nucléaire.
