ÉDITO. Emmanuel Macron, chef de guerre démuni sur la scène intérieure

"Nous rentrons dans une nouvelle ère", a déclaré Emmanuel Macron lors de son allocation aux Français. Le Président appelle à de futurs efforts.

Quinze millions de Français ont écouté mercredi soir Emmanuel Macron planter le décor du nouveau monde dans lequel entrent la France et l'Europe. Une part d'audience de 75 %.

Une ère plus brutale

Le Président a décrit un monde plus brutal, avec le réveil de la menace à l'est et Moscou qui prévoit d'enrôler 300.000 soldats supplémentaires d’ici 2030, mais aussi de se doter de 3.000 chars et 300 avions supplémentaires. "Une menace pour la France, pour l’Europe, pour les démocraties", a prévenu le chef de l'Etat.

Et de l’autre les Américains qui tournent le dos au Vieux continent et parfois attaquent, comme Donald Trump le fait avec les droits de douane. Une "grande bascule" dont parle l’Élysée depuis plusieurs semaines. "L’avenir de l’Europe n’a pas à être tranché à Washington ou à Moscou”, a dit Emmanuel Macron.

Face à cela, il faut donc une Europe plus souveraine

Cela tombe bien, c’est l’orientation stratégique que porte Emmanuel Macron depuis 2017. Mais la route sera longue avant d’arriver à une réelle souveraineté européenne.

En même temps, comme dans chaque crise, les choses bougent, et très rapidement. L’Allemagne va lever son frein à l’endettement pour se réarmer. C’est historique. La semaine, Emmanuel Macron recevra à Paris les chefs d'état-major des armées européens. C’est une première. Nous assistons peut-être à l’ébauche d’une Europe institutionnelle de la Défense. L'histoire accélère, c'est indéniable. Paris veut agir rapidement, tant que la fenêtre d'Overton reste ouverte.

Ce chantier institutionnel majeur va se doubler d’un "débat stratégique" sur la protection nucléaire élargie aux Européens. Le chef des Armées a ainsi clarifié mercredi la polémique sur le faux débat instrumentalisé par le RN sur le partage des codes. C’est niet, évidemment.

L’Edito de Raphaël Legendre : Que retenir de l’allocution d’Emmanuel Macron ? - 06/03

4:23

Cette autonomie stratégique européenne va devoir être financée

Le renforcement stratégique de l'Europe nécessitera "de nouveaux investissements" qui exigent de "mobiliser des financements privés", a indiqué Emmanuel Macron. Pour cela, il va falloir s'attaquer au carcan de l’ESG qui empêche aujourd'hui banquiers et assurances d’investir dans les industries de l’armement.

Pour orienter une partie des 2.000 milliards d'euros d'épargne des Français vers l'armement, on parle d’un nouveau livret d’épargne dédié à la défense.

Il faudra aussi des financements publics. La question de l'impôt va donc rapidement se poser. À chaque guerre, à chaque crise, les taux marginaux de l’impôt ont augmenté pour les ménages les plus aisés.

Mardi, Eric Lombard a ouvert la voie à des hausses d’impôts ; ajoutant que les dépenses sociales ne seraient pas affectées.

Hier, Emmanuel Macron dit tout l’inverse. "Il faudra des réformes, des choix, du courage", a-t-il dit, “mais pas de hausse d’impôts. Un message que le président a adressé au gouvernement lors du dernier Conseil des ministres il y a quinze jours.

Quelles réformes, on ne sait pas encore, mais comme il l’a fait devant les ministres il y a 15 jours, il a cité hier soir quelques pays européens qui ont déjà mis en place des mesures où s’apprêtent à le faire, notamment le Danemark qui prépare une retraite à 70 ans. Que les partenaires sociaux qui se réunissent aujourd'hui en conclave retraite se le tiennent pour dit.

La limite de l’exercice présidentiel, c’est que si le chef de l’État peut se montrer en majesté sur la scène internationale, drapé des habits flatteurs de chef de guerre, sur la scène intérieure, Emmanuel Macron reste démuni.

Démuni politiquement, avec une Assemblée nationale ingouvernable, et affaibli financièrement par ses propres avanies de dépensier keynésien sous stéroïdes.

Raphaël Legendre