Comment la marine chinoise va devenir la plus puissante du monde avant 2050

Entre la Chine et Taïwan, la tension monte et ne redescend jamais. Elle vient encore de grimper avec la dernière annonce du président taïwanais. Lai Ching-te a l'intention de faire escale sur le territoire américain, à Hawaï et sur l'île de Guam, dans le cadre de son premier déplacement à l'étranger.
Pékin estime que ce projet illustre des intentions "séparatistes" et promet d'"écraser résolument" toute tentative d'indépendance. Depuis les années 90, la Chine dépense sans compter dans son armée et particulièrement dans l'APLn, la marine de l'armée populaire de libération, qu'elle menace de projeter sur Taïwan.
"Au regard des acteurs en présence, le détroit de Taïwan est devenu la zone géopolitique la plus sensible du monde", note Thomas Gomart, directeur de l'Ifri (Institut français des relations internationales) dans son livre Les ambitions inavouées.
400 navires fin 2030
Si les montants ne sont pas officiels, plusieurs rapports tentent d'estimer le budget militaire chinois. En 2024, il s'élèverait ainsi à 225 milliards de dollars, ce qui en ferait le deuxième plus important au monde après celui des États-Unis (environ 842 milliards de dollars pour la même année). Sur ce montant, les forces navales chinoises représentent entre 25% et 33%, soit environ 56 à 75 milliards de dollars. Depuis au moins trois décennies, ce budget est en constante augmentation.
La flotte chinoise comptera plus de 400 navires d’ici à la fin 2030 contre 340 navires actuellement. L’objectif est de rivaliser avec la marine américaine d'ici à 2049, année du centenaire de la République populaire de Chine.
"En moins de cinq ans, la Chine a été capable de construire l'équivalent en tonnage de la marine française", notait le Centre d'étude stratégique de la marine française (CESM) dans un rapport en 2020.
Ces investissements visent à renforcer la flotte avec la construction de dizaines de nouveaux navires (porte-avions, destroyers, sous-marins et navires amphibies). La Chine modernise aussi ses ports et ses chantiers navals et met au point de nouvelles technologies d'armement comme des missiles hypersoniques. Cette montée en puissance reflète les aspirations géopolitiques de Pékin et redéfinit l’équilibre stratégique en indopacifique et au-delà.
La marine chinoise est non seulement l'une des plus importantes du monde, mais aussi l'une des plus modernes. Ses nouveaux destroyers (Type 055) combinent des capacités anti-aériennes, anti-sous-marines et anti-navires dans un seul navire. Huit sont déjà en service actif. En mai dernier, le chantier naval chinois Dalian Shipbuilding a lancé la construction d'un dixième de ces destroyers et aurait démarré la construction d'une nouvelle coque, selon des images satellites.
Autre innovation navale importante, les porte-hélicoptères amphibies. Le dernier construit est le Hainan. Long de 232 mètres et d'un poids de 36.000 tonnes, il peut embarquer 30 hélicoptères, 1.100 membres d'équipage et 1.200 troupes de débarquement.
Pékin dispose aussi de près de 70 sous-marins, dont 12 à propulsion nucléaire. Les sous-marins de classe Jin (Type 094), équipés de missiles balistiques JL-2, permettent à la Chine de disposer d’une capacité de frappe nucléaire stratégique.
Cinq porte-avions en 2030
Pour assurer la puissance maritime et permettre la projection des forces aéronavales, les porte-avions sont des navires stratégiques. Pendant longtemps, la Chine n'avait que le Liaoning. Construit par l'ex-URSS, mais inachevé et racheté à l'Ukraine, il avait été admis au service actif en 2012. Désormais, elle en dispose de deux autres: le Shandong, opérationnel depuis 2019, et le Fujian qui est en cours de tests.

Ces vaisseaux sont critiqués pour leur faible rayon d'action dû à une propulsion conventionnelle. La méthode chinoise consiste donc à en produire encore plus. D'ici à 2030, certains experts estiment que l'APLn devrait disposer de cinq porte-avions.
La prudence des États-Unis
Face à la construction d'une telle armada, les États-Unis sont prudents. L'US Navy compte actuellement 290 navires, peut-être plus volumineux et plus modernes que ceux des Chinois, mais désormais moins nombreux.
"Nous ne sommes pas dépassés, mais je n’aime pas la trajectoire prise", a concédé l’amiral Samuel Paparo Jr en février dernier lors d'une audition au Sénat américain.
La marine américaine dispose par exemple de 11 porte-avions nucléaires de classe Nimitz et Ford qui transportent chacun jusqu’à 75 avions, dont des F/A-18, des F-35C et des drônes MQ-25 Stingray. Ces bâtiments donnent aux États-Unis la capacité de mener des opérations puissantes sur tous les océans.
La Navy compte aussi 68 sous-marins (presque tous nucléaires), dont 18 SNLE (sous-marin nucléaire lanceurs d'engins) armés de missiles intercontinentaux Trident II. Ces missiles mer-sol balistique sont équipés d'ogives nucléaires par les sous-marins de la classe Ohio.
Si la puissance navale chinoise est indiscutable, elle dispose de moins de bases que la marine américaine qui est présente à travers 800 installations dans le monde, dans toutes les régions stratégiques, y compris en Asie (Japon, Guam, Corée du Sud). Elle peut ainsi intervenir très vite et presque partout.
D'autre part, les Chinois sont moins expérimentés que les Américains. Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'US Navy a été engagée dans presque tous les conflits majeurs avec sa puissance aéronavale, ses sous-marins et ses forces cyber.
La Navy prend toutefois très au sérieux la puissance navale chinoise. Le Pentagone est convaincu qu'un affrontement avec les Chine est inévitable. La confrontation pourrait avoir lieu en 2027 avec pour motif Taïwan. Pour la chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Lisa Franchetti, les industriels chinois sont "sur le pied de guerre". Une mise en garde lancée en septembre lors de l'annonce d'un nouveau plan stratégique de la marine américaine.
