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Défense

Comment cet armurier belge est devenu en deux décennies l'un des leaders européens de l'armement

Fondée en 1889, l'armurerie FN Herstal est aujourd'hui l'une des trois plus importantes usines d'armes légères en Europe.

Fondée en 1889, l'armurerie FN Herstal est aujourd'hui l'une des trois plus importantes usines d'armes légères en Europe. - SOPHIE KIP / BELGA

L'usine FN Browning nous a ouvert ses portes pour nous faire découvrir une armurerie wallonne historique qui a échappé à la faillite pour devenir aujourd'hui l'une des plus importantes d'Europe.

L'armurerie FN Browning (anciennement FN Herstal, pour Fabrique nationale de la ville d'Herstal) nous a ouvert les portes de son usine historique près de Liège. Un rare privilège pour cette industrie dont la première qualité est la discrétion.

En entrant sur le site industriel centenaire, un gigantesque portrait de John Wayne décore la façade d'un bâtiment de briques rouges.

"Nous sommes propriétaires de marques américaines iconiques, Browning et Winchester, pour les marchés européens", nous explique Henry de Harenne, porte-parole de FN Browning.

Cette relation ne date pas d'hier. John Moses Browning, le fondateur de Browning, s'est associé à FN pour créer de nouvelles armes. En 1926, alors qu'il travaille sur un nouveau pistolet pour la FN, le GP35, il meurt dans l'une des salles du site d'Herstal. On trouve aujourd'hui dans cette pièce une plaque commémorative qui rend hommage à celui dont les armes ont été le symbole de la conquête de l'Ouest.

La plaque commémorative à la mémoire du fondateur de Browning a été apposée dans le bureau où il est mort.
La plaque commémorative à la mémoire du fondateur de Browning a été apposée dans le bureau où il est mort. © PS

Le syndrome Vilvoorde

À voir les ateliers tourner et les nombreux salariés du site, on a du mal à imaginer que l'armurier belge ne devrait plus exister depuis un quart de siècle. Jusqu'en 1998, cet armurier historique de Wallonie appartenait au groupe français GIAT qui cherchait à s'en débarrasser, proposant même à l'américain Colt d'acquérir les 92% qu'il détenait. À ce moment, en France, cette activité a été considérée comme non stratégique. Le conflit en Ukraine avec le retour d'une guerre de haute intensité ont changé ce point de vue.

L'entrée de l'usine créée en 1889.
L'entrée de l'usine créée en 1889. © PS

Les Belges ne voulaient pas que leur usine subisse le même sort que la Manufacture d'armes de Saint Étienne qui produisait le Famas de l'armée française. Après de longs mois de conflits sociaux, l'entreprise échappe à un funeste destin à la Vilvoorde, l'usine belge de Renault qui a fermé en 1997 après un conflit social historique laissant sur le carreau plus de 3.000 salariés.

Un sauvetage qu'elle doit à la région Wallonne, qui détenait seulement 8% de cette usine centenaire, et qui n'entendait pas laisser disparaître ce fleuron. Elle a donc sorti son carnet de chèques pour racheter les 92% de GIAT. Grâce à son droit de veto, elle s'est opposée à la vente, sauvant ainsi l'entreprise et ses 1.400 salariés. Bien lui en a pris. Elle réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de près d'un milliard d'euros avec deux activités: sécurité-défense et sport-chasse. Elle emploie 1.500 personnes et autant de sous-traitants dans la région.

Un fleuron de l'armement léger européen

L'entreprise a pour clients plusieurs pays d'Europe ainsi que les États-Unis. La France en fait partie en équipant ses unités d'élite des armes produites près de Liège. Le 8e RPIMA (régiment parachutiste d'infanterie de marine) utilise entre autres la Minimi (mini-mitrailleuse) du fabricant belge. Les États-Unis équipent les forces spéciales des fusils d'assaut Scar produit dans sa filiale américaine.

Une Minimi du 8e RPIMA.
Une Minimi du 8e RPIMA. © Ludovic MARIN

L'armurier est peu à peu devenu l'un des fleurons de l'armement léger européen et s'est développé dans le monde, créant des filiales aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Finlande. Il fabrique des pistolets, des fusils d'assaut, des fusils mitrailleurs, des systèmes d'armes pour tourelleau ou encore des stations téléopérées pour la marine. Pas d'assemblage de pièces venues d'autres usines.

Des blocs de métal arrivent. Ils sont traités, fraisés et rectifiés pour se transformer en arme de pointe allant du calibre 9 mm à la 12.7, en passant par les calibres Otan de 5.56 et 7.62 qui ont tous deux été créés par FN Herstal. Car l'entreprise belge produit non seulement des armes, mais aussi des munitions, une rareté dans l'industrie de l'armement léger.

Produire en France du petit calibre

La compétence est telle qu'il est aujourd'hui question de recréer en France une usine de munition de petit calibre. Cette activité a été stoppée il y a une quinzaine d'années. La France se fournit notamment au Brésil, mais, la crise Covid a mis en lumière la nécessité de réduire la dépendance pour certains produits.

FN Hesrtal fournit ses armes à 80% des armées de l'Otan.
FN Hesrtal fournit ses armes à 80% des armées de l'Otan. © PS

Ce projet, qui reste à finaliser, a été annoncé en mai dernier. Cette ligne de production vise à fournir aux armées françaises, mais aussi aux forces de l'ordre, des munitions de calibres 5,56 mm, 7,62 mm et peut-être aussi du 9 mm.

"Ce sont deux métiers totalement différents, mais intimement liés. Cette double compétence nous permet d'innover en toute autonomie", souligne Henry de Harenne

L'entreprise consacre chaque année 10% de son chiffre d'affaires à l'innovation. Elle nous a présenté des nouveautés développées pour les armées ou les forces de l'ordre. Pour les militaires, la mitrailleuse Evolys, en phase de test dans quelques unités des forces spéciales françaises, à l'ergonomie et le poids d'un fusil d'assaut avec les capacités de tir d'une mitrailleuse.

Mitrailleuse Evolys en fin de montage avant d'être testée.
Mitrailleuse Evolys en fin de montage avant d'être testée. © PS

Elle peut d'ailleurs être chambrée en deux calibres Otan: 5,56 ou 7,62 mm. Sa portée minimum est de 1000 mètres et sa cadence de tir de 750 coups par minute.

Une IA dans les "flash ball"

Bien plus ergonomique que la Minimi (M249 aux États-Unis) qu'utilisent les régiments d'infanterie de marine, l'Evolys affiche un poids entre 5 et 6 kilos contre près de 10 kg pour la Minimi.

Une autre innovation militaire est destinée cette fois aux tireurs de précision. Il s'agit d'un calculateur balistique numérique qui réduit le temps de réaction-tir de 40% avec une amélioration de la précision de l'ordre de 25%. Ce petit boitier numérique permet aussi d'alléger de six kilos l’équipement porté par les tireurs de précision.

Pour les forces de l'ordre, l'entreprise a mis au point un flash ball de nouvelle génération. S'appuyant sur les tirs qui ont provoqué des blessures graves lors des manifestations en France, le Smart Protector est doté une caméra et d'une IA capable d'éviter les accidents grave. Si cette technologie détecte un visage humain, elle émet un signal sonore bloque le tir. Selon FN Herstal, elle sait faire la différence entre un visage imprimé et un véritable visage.

"Nous avons développé cette technologie pour réduire les risques de blessures graves et irréversibles provoquées par un tir accidentel dans la tête", indique FN Herstal.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco