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"Courchevel kirghize": une entreprise française conçoit un immense domaine skiable en Asie centrale

Une vue du site montagneux où sera construit le futur domaine skiable des "Trois Sommets", près de la ville de Karakol, au Kirghizistan.

Une vue du site montagneux où sera construit le futur domaine skiable des "Trois Sommets", près de la ville de Karakol, au Kirghizistan. - Société des Trois-Vallées (S3V)

Au Kirghizistan, le futur domaine skiable des "Trois Sommets" comptera 200 kilomètres de pistes et une trentaine de remontées mécaniques. Sa construction est guidée par une entreprise française.

Comme un air de Savoie en plein cœur de l'Asie. Un immense domaine skiable, avec une touche d’esprit français, va bientôt sortir de terre dans les montagnes de l’est du Kirghizistan. À terme, les trois stations du domaine des "Trois Sommets" devraient regrouper 200 kilomètres de pistes et une bonne trentaine de remontées mécaniques –l'équivalent de la station suisse de Zermatt. Le pays d’Asie centrale, ou plutôt son président, Sadyr Japarov, est venu jusqu’en France pour confier le projet à une entreprise tricolore, la Société des Trois-Vallées (S3V), exploitante du domaine skiable de Courchevel.

"Le président du Kirghizistan a demandé à nous rencontrer en janvier 2023 lorsqu'il est venu skier chez nous" parce qu’il "voulait faire construire un 'Courchevel' dans son pays", se remémore le président de la S3V, Pascal de Thiersant, auprès de BFM Business.

Pour le gouvernement kirghize, pas question d'attendre: un site est rapidement identifié au sud du lac Issyk Kul, près de la ville de Karakol, et un plan directeur est présenté par la S3V dès avril 2024. Le coup d’envoi des travaux est prévu pour l’été 2025, en vue d’accueillir les premiers skieurs en décembre 2026. Il ne s’agira alors que d’un démarrage partiel sur une soixantaine de kilomètres de pistes.

Pour bâtir la première des trois stations, à l’entrée de la vallée de Jyrgalan, l'État kirghize va investir 165 millions d'euros via une société publique dédiée, officiellement baptisée "Courchevel kirghize" – un symbole des ambitions hivernales de ce petit pays asiatique.

850.000 touristes annuels

L’exécutif kirghize espère que les travaux s’achèveront en 2035. S’ils se déroulent comme prévu, le domaine comptera près de 7.000 chambres au total, de quoi accueillir 850.000 touristes par an dans ses trois stations. Hôtels, appartements, camping, restaurants, centre thermal, commerces… Au total, un peu plus de 1.600 hectares ont été verrouillés par l'État dans les montagnes environnantes pour l'ensemble du projet. Ce sont des entreprises kirghizes qui se chargeront de faire pousser les bâtiments et les infrastructures, la S3V (détenue à 50% par le département de la Savoie) s’occupant de concevoir le domaine et de conseiller sa mise en œuvre.

Le plan des pistes skiables et des remontées mécaniques de la future station de Jyrgalan, l'une des trois stations du domaine skiable des "Trois Sommets" au Kirghizistan.
Le plan des pistes skiables et des remontées mécaniques de la future station de Jyrgalan, l'une des trois stations du domaine skiable des "Trois Sommets" au Kirghizistan. © Société des Trois-Vallées (S3V)

Presque entièrement couvert de montagnes et enneigé de mi-novembre à mi-avril, le territoire kirghize n'a pas à rougir de ses paysages – certains d'entre eux ressemblent à s'y méprendre aux Alpes européennes. Les environs du lac Issyk Kul connaissent une popularité croissante: attraction régionale à la belle saison, ils s’invitent aussi de plus en plus dans les carnets de route des amateurs étrangers de grands espaces. Et grâce au ski, le Kirghizistan veut aussi aller chercher ces touristes en hiver. Le premier objectif est de "créer une clientèle locale", des néo-adeptes des sports d’hiver venus du Kirghizistan ou du Kazakhstan voisin, précise Pascal de Thiersant.

Mais le futur domaine skiable attirera aussi probablement une clientèle plus lointaine, notamment russe, chinoise ou indienne. Deux aéroports internationaux, à Bichkek et à Almaty, desservent les lieux en cinq ou six heures de route, et une ligne de train devrait relier le pays à la Chine d'ici quelques années.

Développement économique

Au risque toutefois d’essuyer quelques critiques sur le plan écologique, les stations de ski étant régulièrement épinglées par certaines associations. En réponse, la S3V affirme qu'elle n’aurait pas pris part au projet s’il n'avait pas été "environnementalement intelligent", selon ses propres mots, précisant avoir refusé d'autres propositions au Vietnam ou en Arabie saoudite qui ne respectaient pas ce critère. Le choix du site de Jyrgalan, l'endroit où sera construit la première des trois stations inscrites au programme, permettra de tracer "80% des pistes sans terrassement, avec peu de coupes d'arbres", donne son dirigeant en exemple.

Pour éviter d'urbaniser à outrance, l'entreprise française a également conseillé à l'État kirghize de conserver la maîtrise du foncier, afin d’éviter un étalement de chalets construits par des touristes aisés et vides la quasi-totalité de l'année, tel qu'on peut l'observer dans bon nombre de massifs européens.

Une vue du site montagneux où sera construit la station de Jyrgalan, la première des trois stations du futur domaine skiable des "Trois Sommets", près de la ville de Karakol, au Kirghizistan.
Une vue du site montagneux où sera construit la station de Jyrgalan, la première des trois stations du futur domaine skiable des "Trois Sommets", près de la ville de Karakol, au Kirghizistan. © Société des Trois-Vallées (S3V)

Le Kirghizistan, lui, ne compte pas laisser passer le train des sports d'hiver. Le pays de 7,2 millions d'habitants, ex-république soviétique à l’économie fragile et peu diversifiée, y voit une bonne occasion de doper le développement national. La construction d'un autre grand domaine skiable a été lancée dans le Nord-Ouest, cette fois-ci porté par une entreprise russe, et un autre projet est étudié avec l'Ouzbékistan.

Jérémy Bruno Journaliste BFMTV